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Mission encre noire

by CHOQ.ca

Mission encre noire parle de littérature tous les mardis soir en direct à 19h00 sur Choq.ca et vous donne l'envie de lire

Episodes

Émission du 27 juin 2023

0s · Published 28 Jun 00:00
Mission encre noire Tome 38 Chapitre 412. Troubles, nos ombres un collectif dirigé par Jennifer Bélanger paru en 2023 aux éditions Triptyque dans la collection Queer. La colère ne se tarit pas dixit l’autrice. De l’élaboration de ce projet à l’été 2020, à son achèvement en 2022, Safia Nolin deviendra la bête noire des réseaux sociaux malgré son récit d’agressions subies de la part de Maripier Morin, la montée de la droite aux États-Unis et celles des conservatismes en général dans le monde, dès lors menace les droits fondamentaux des personnes minorisées. Les textes réunis ici par Jennifer Bélanger offre un espace sécuritaire à 11 artistes non seulement pour témoigner de l’urgence de dire les dangers qui guettent les personnes LGBTQ2IA+, mais également pour nous partager des récits de vie poignants. Qu’il s’agisse d’amitié, de rapports amoureux, de désirs, de colère, de résistance, Étienne Bergeron, Julie Bosman, Marilou Craft, Nicholas Dawson, Martine Delvaux, Sandrine Galand, Maude Lafleur, Mael Maréchal, Roxane Nadeau, Mélanie O’Bomsawin et Justina Uribe se réunissent sous l’ombre lumineuse et créatrice de Jennifer Bélanger, qui est mon invité, ce soir, à Mission encre noire. Extrait: « Je m'appelle Roxane et j'ai 27 ans. 27 ans, c'est l'espérance de vie que la communauté trans s'attribue à cause d'une fausse statistique virale sur internet. J'ai, par le passé, cherché à en trouver l'origine, rencontrant différentes variations à chaque strate de mon excavation. Life expectancy of trans people is 27 years old. Life expectancy of trans women of color is 27 years old. Life expectancy of trans women who do sex work is 27 years old. Il se trouve que ce nombre vient d'un rapport de colloque citant l'approxima, soit l'estimation pessimiste d'une organisation d'Amérique latine à propos de l'âge moyen des femmes trans assassinées du secteur, souvent des travailleuses du sexe. Ce chiffre avait été généralisé à toutes les femmes trans des Américain.es qui y voyaient une occasion de mobilisation clé en main. Évidemment, une déconnexion avait été faite à partir de ce moment-là entre la réalité théorisée et celle, vécue, dans nos corps et devant nos yeux, coupant court à toute réponse organisée. Ce chiffre gonflé ne témoignait en rien des meurtres des femmes trans, d'où ils venaient et de ce qu'on ferait des prochains. Je m'appelle Roxanne et j'ai un âge de mort fantôme.» La Sainte Paix par André Marois paru en 2023 aux éditions Héliotrope. Jacqueline a 74 ans, elle a mal partout c’est bien normal à son âge. Tandis que Tylenol et Advil se disputent le rôle du meilleur ami, elle observe une fois encore sa voisine, Mad Madeleine, aux jumelles. Les deux femmes se contentent de salutations polies depuis le décès de leurs maris. Rien de bien particulier les a maintenu éloignées cela dit. Chacune profite de son petit coin de paradis de part et d’autres de la Mastigouche. À ceci près que, le jour où Madeleine franchit le Rubicon qui sépare les deux propriétés, pour annoncer son intention de vendre sa maison, la donne change de main. Il s’agit d’une véritable déclaration de guerre. Qui va-donc déranger le climat si paisible de l’endroit? Une famille de citadin, avec parasol, barbecue, haut parleurs, badminton, spa, motocross et je ne sais quoi encore, pourrait débarquer subitement comme un chien dans un jeu de quille. Il n’en est pas question. Jamais. C’est juré craché estime Jacqueline. Quitte à passer sur le corps des autres. À la manière d’un Polar de type constricteur, La sainte paix bâtit avec élégance une intrigue qui peu à peu s’enroule autour du cou de son/sa lecteur/lectrice pour ne jamais le lâcher. Un brin pervers, après tout, qui peut bien penser que le meurtre fasse parti des activités de villégiature de nos aînées, quelques éclats de rire, des titres de chapitres hilarants, voici une bonne occasion de faire diversion avec vos activités quotidiennes harassantes. Je reçois, ce soir, à Mission encre noire, André Marois. Extrait: « Jacqueline descend dans la cave et farfouille sur l'établi où sont en tassés les affaires de son défunt mari. Ghislain était maniaque des outils. Il adorait les essayer, les comparer, les choisir. Il passait des heures à la quincaillerie à discuter avec les préposés et n'achetait que les meilleurs instruments pour découper, serrer ou assembler...La plupart de ceux qui sont là n'ont pas servi plus qu'une fois. Mais il répétait qu'il faut être bien outillé pour bien travailler. Un bon ouvrier...La veuve tripote un marteau, des clés à tube, un lot de rabots qui n'ont pas été déballés...C'est un foutoir que Ghislain aurait détesté. Pour lui, chaque chose avait sa place, et il était capable de trouver en quelques secondes, les yeux fermés, la vis à bois dont il avait besoin pour réparer le barreau de la rampe de l'escalier. Depuis son décès, la section bricolage de la maison a pris des airs de capharnaüm. Un printemps, Ghislain s'est noyé dans un lac. Il était parti seul, en raquettes, pour une courte expédition. Le soleil brillait et la température flirtait avec le point de congélation, mais il connaissait les risques. Il était venu là avec Jacqueline à plusieurs reprises, alors que s'était-il passé ? Avait-il malgré tout tenté de traverser le lac dans sa longueur au lieu de le contourner en suivant la rive ? Tout ce qu'on sait, c'est que son corps flottait dans l'eau froide et qu'il lui manquait une raquette, qu'on n'a jamais retrouvée. Cette fois-là, sa femme, grippée, ne l'avait pas accompagné.»

Émission du 6 juin 2023

0s · Published 07 Jun 00:00
Mission encre noire Tome 38 Chapitre 411. Mise en forme par Mikella Nicol paru en 2023 aux éditions Le Cheval D’août. À la suite d’une rupture amoureuse encore fraîche et de l’aménagement en catastrophe chez un ami, la narratrice se jette à corps perdu dans l’entraînement physique. Malgré que son corps deviennent de plus en plus performant, la dépression gagne du terrain, il y a toujours quelque chose qui cloche. Ce qui s’impose très vite comme la seule activité encore valable à ses yeux va devenir un sujet de réflexion tenace. Et si, en dépit des injonctions bénéfiques assénées par les vidéos de fitness, les programmes de remises en forme n’étaient que la partie émergée d’une problématique plus vaste. Pour l’autrice l’idée jaillit en croisant un inconnu malveillant dans la rue. Le lien qui unit violence et beauté ne fait plus aucun doute. Ou comment l’industrie du fitness, entre autre,confirme la main mise d'une esthétique patriarcale, coloniale et fossile, sur le discours ambiant, dixitPaul B. Preciado.On peut se demander, ici, comment un tel système, qui vise la soumission collective totale des corps, se met-il en place ? Les femmes en particulier, tels des objets inoffensifs, se doivent de collaborer, bien entendu, à leur corps défendant, à des modèles hétérosexuels astreignants. Ce livre à mi-chemin de l’essai et du récit autobiographique laisse libre court à une parole qui refuse de rentrer dans le moule. J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Mikella Nicol. Extrait: « Je choisis une vidéo. Cette fois, Anna a cédé la place à Anna Victoria, une grande poupée blonde à la voix aiguë, mais calme, assurée. Brittany est là aussi, elle se démène à l'arrière et je m'impatiente ; je ne l'ai jamais aimée. Le décor du studio d'enregistrement a changé : le mur du fond est parfaitement blanc et lisse, à l'exception de moulures élégantes qui le découpent. Les autres éléments du décor sont dépareillés : des fleurs sur les Leggings, des motifs psychédéliques sur les tapis. Je me fraie un chemin parmi mes objets, éparpillés dans la chambre. Mon tapis sert de radeau parmi les boites, pourtant je ne possède pas grand-chose : des livres, des plantes et un peu de vaisselle. « Engagez vos fessiers», dit Anna Victoria pour me rappeler à l'ordre. « Imaginez que vous tenez un sou entre vos fesses et que votre vie en dépend, OK ? C'est à ce point-là que vous devez les serrer.» Je pense fort à ce sou imaginaire, ce que je possède de plus précieux.»

Émission du 23 mai 2023

0s · Published 24 May 00:00
Mission encre noire Tome 38 Chapitre 410. Daniel Grenier Héroïnes et tombeaux paru en 2023 aux éditions Héliotrope. Alexandra Pearson, originaire du Tennessee, lit le New York Times dans cette ville secondaire brésilienne à l’ouest de Porto Alegre: Uruguaiana. Aujourd’hui journaliste, la jeune femme qui avait cheminé aux côté de Françoise dans le roman précédent de l’auteur, part à la recherche, cent ans plus tard, d’un étrange personnage, Ambrose Bierce, auteur du Dictionnaire du diable. Il serait mort fusillé en 1915 au Mexique et réapparu, bien vivant, à des milliers de kilomètres plus loin. Pour cela, elle devra mettre la main sur un manuscrit inédit. Pendant ce temps, comme l’annonce le journal, une certaine Helen Klaben décède à l’âge de 76 ans. Autrefois, elle a fait la Une du Life magazine, le 12 avril 1963, après avoir survécu 49 jours dans le froid du Yukonsuite au crash de leur avion le 3 février 1963. Étrange coïncidence, ce nom, lui semble familier.Il lui remémore un souvenir amer, celui de Françoise,cette fille à qui elle n’a fait que mentir. À l’époque elle se faisait appeler Samantha. Dans ce troisièmelivre qui se veut un hommage à Ernesto Sabato, l’auteur nous entraîne dans un étrange roman d’aventures dans lequel il explore une fois encore le territoire américain et il s’interroge sur la responsabilité de celui qui raconte les histoires des autres. Sur un air de Carioca, j’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Daniel Grenier. Extrait: « D'un côté, il y avait Helen Klaben, cette jeune femme de Brooklyn qui rêvait aux grands espaces. De l'autre, il y avait Ambrose Bierce au seuil de la mort, croupissant dans un lieu exigu aux murs humides et suintants. Entre les deux, Alexandra oscillait constamment. Klaben avait de l'ambition, elle voyait grand, elle sentait au plus profond de son être qu'elle avait quelque chose à apporter au monde. L'expérience de l'écrasement, de la survie en forêt, si extrême qu'elle eût été, n'était qu'un tremplin vers une plus grande conscience du monde et de la place qu'elle y occupait. Bierce aussi avait eu de l'ambition, bien sûr, il avait lui aussi voulu vivre de grandes choses: il avait été soldat durant la guerre civile, il en était ressorti écrivain ; il avait été chroniqueur et humoriste pour des feuilles de chou, il en était ressorti aigri. À soixante et onze ans, la moustache blanche et les cheveux clairsemés, il était parti à cheval vers une autre guerre civile, et il en était ressorti avec quoi ? Avec une tête coupée et des ennemis mangeurs d'hommes. Ce qui les rapprochait, ces deux-là, c'était leur rapport ambigu avec la prédestination. Cette impression souveraine, implacable, honteuse, parfois, qu'ils avaient été destinés à de grandes choses. Helen avait, en quelque sorte, rêvé à son accident et à sa survie. Ambrose avait en quelque sorte, fantasmé sa disparition et sa persécution.» Trop de Pascale par Pascale Bérubé paru en 2023 aux éditions Triptyque dans la collection Queer. Qui es-tu Pascale? Ou plutôt qui aimerais-tu être? Qu’est-ce qui te définit vraiment? Serais-ce le reflet d’une mère aimée, celui d'un vêtement, d'une image, un code numérique, une star de ciné? Quelle identité saisir lorsque l’on passe autant de temps devant des écrans? Qu’est-ce que cela creuse en nous qui nous sépare de l’enfance? Qui est, alors, ce visage reconnue dans la glace du miroir? Que faire de tout ce vide qui nous entoure soudain au détour d’une image numérique froide et figée dans son code? Surtout si l’on refuse de se conformer à tous ces visages calculés à la mesure des désirs ordinaires? Comment exister lorsque l’on préfère à une image lisse et entendue de la féminité, l’envie d’être une chienne savante ou non? Pascale, qui est-elle? Que sais-je? Qui suis-je? Pascale Bérubé signe ici un premier recueil magnétique qui explore les thématiques du corps, de l’image, de la beauté, de la féminité et de l’identité. Qui es-tu quand ton corps fait du cinéma, pour en savoir plus, j’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Pascale Bérubé. Extrait: « je serai blonde et rien d'autre, pour que les gens disent de moi: oh, pascale, la blonde. non pas pour ressembler à une autre blonde mais plutôt pour appartenir à la couleur, à l'idée de cette couleur pour la laisser me submerger, me décorer. foliage javellisé blonde platine. bleach blonde, dirty blonde, silver blonde, golden blonde, scandi blonde, blonde. j'écrirai que la vieille pascale est morte, ces formules toutes faites que les femmes utilisent pour signaler un changement radical, une réinvention complète de leur personne et de leur image, prononcer la phrase devant un miroir et la sentir rouler doucement sur la langue, un bonbon dur mentholé et piquant, satisfaisant, transformateur. je me teins en blonde parce qu'aucune autre couleur ne souligne ce désir furieux de blanchissement total du passé et d'appartenance à un féminin éternel. le peroxyde s'infiltre et cule en moi, et en nous, toutes les autres, les fausses blondes, les blondes trafiquées, sucre acide chimique qui diluera toute trace du passé. je me laisse couler dans la grande piscine des blondes, les membres de mon corps se teintent peu à peu de blanc, de beige, de nude. mon ombre se colore des reflets de toutes les blondes passées, je m'immisce dans la minuscule faille claire de leur splendeur. on devient blonde à partir du moment où quelqu'un affirme que nous sommes blonde, quand la blondeur prend forme autour de soi et que chaque geste est deviné à travers ce rideau pâle et peroxydé, quand notre reflet dans la glace est continuellement entouré d'un halo scintillant. i'm endlessly creating myself est une phrase aperçue sur internet, figée dans un petit carré blanc. une phrase écrite dans un lettrage noir simple. je n'en sors pas.»

Émission du 16 mai 2023

0s · Published 17 May 00:00
Mission encre noire Tome 38 Chapitre 409. Exercices de joie par Louise Dupré paru en 2023 aux éditions du Noroît. Dernier fascicule du triptyquetraitant des possibilités du poétique face à l’horreur et à la détresse entamé avec Plus haut que les flammes en 2010 puis La main hantée en 2016, Exercices de joie présente la poète fébrile, les côtes friables, hantée par des rêves qui la réveillent la nuit. Toutefois Louise Dupré n'abdique pas pour autant. Elle revendiquele désir de se tenir debout devant un paysage en ruines quitte à s'accrocher à ses mots comme à une bouée. Car, s'il est peut-être vain de vouloir comprendre l’envers du monde quand le temps fuit entre nos doigts, pourquoi ne pas apprivoiser les douleurs, en oublier la piqûre de l’aiguille. L’écriture, telle une veine fragile qui palpite encore, se mue en écorce revêche, pour combattre en prose et en vers. Si la suie de Birkenau ou de Auschwitz la poursuit encore, si l’ombre dela main coupable du second recueil habite encore les pages, les poèmes explorent ici une autre voie, plus apaisée. Celle de la douceur, celle de la joie, que l'autrice défini comme cet instant précieux et rare ou le cœur module ses élans. Il est du devoir de la poète de donner à voir cette faible clarté bienveillante qui conduit sa main. Certes, le cercle des poètes disparus s’agrandit un peu plus chaque jour, le monde chancelle ; non, elle ne vacillera pas ; l’autrice appartient à la généalogie des femmes qui n’ont jamais renoncé. J’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Louise Dupré. Extrait: « Encore une fois tu célèbres la caresse pour amadouer le silence, le rendre moins sombre, le désarmer, Caresse, car tu crois en l'offrande des mains, printemps sur la peau, brise bleue, quelque chose comme une odeur de ciel douillet qui se lève, et le sol à vol d'oiseau, si fragile que tu voudrais le couvrir de forêts. Et tes doigts se moulent à la communauté des arbres, tel le poète tu écris, toi aussi tu écris arbre pour l'arbre, feuillu ou conifère qu'importe, tu ne crains pas les aiguilles. Avec les ans, tu as appris à te fabriquer une écorce, même mince, même trouée, et tu sens qu'elle te protégera, tu peux maintenant prendre le risque de la tendresse.» Le silence des braises par Alec Serra-Wagneur paru en 2023 aux éditions de la maison en feu. Au jeu de se perdre qui est le plus fort? À l’image du personnage de la première des huit nouvelles qui ouvre ce recueil, on a beau repasser une fois toute la liste des matériels de randonnées dans sa tête, ce qui compte en réalité c’est l’imprévu. Au final, c’est ce qui rend l’expérience unique, comme signer son nom sur une page vierge, pour dire cette histoire m’appartient. Or, la nature, ici, la forêt en particulier n’en a cure, elle peut être cruelle, et ces récits ne la concerne pas. Cescourtes histoiresaffectent le quotidien de femmes et d'hommes ordinaires. Au cœur de la forêt brûlée, le feu qui couve encore sous les braises, annonce un renouveau à venir, voir un prochain incendie dévastateur. Malgré elles/eux, il en va de même pour les divers protagonistes qui habitent ce premier de cordée littéraire. De la baie James, à la Haute-Mauricie, du Warren Island State Park, à celui du Prudhomme Lake, en Colombie-britannique, chaque personnage qui sera confronté à l’immensité de territoires sauvages devra tôt ou tard y sacrifier une part intime de lui-même. Si certain.e.s se découvriront un instinct de survie, d’autres renonceront. La plupart y auront peut-être trouvé une nouvelle compagne, comme une solitude éclairée. Je vous propose de vous engouffrer dans le creux du bois ce soir, à Mission encre noire, en compagnie d’Alec Serra-Wagneur. Extrait: « On mange le curry au tofu réhydraté en silence, nos visages éclairés par la flamme d'une chandelle. De l'autre côté de la pièce, le poêle ronronne toujours. La chaleur est encore plus agréable sans toute la boucane qui vient picoter les yeux. En haut de la tour de feu, Julia m'avait raconté qu'elle en était à sa troisième semaine de marche, en route vers le terminus sud de la trail. Maintenant que je la regarde avec plus d'attention, je remarque à quel point elle paraît jeune. Je la questionne un peu sur son périple, afin d'arriver à lui demander son âge sans que ça semble trop bizarre. Elle n'a que dix-neuf ans. je me rappelle comment j'étais avant de commencer l'université. J'avais passé l'été à travailler au dépanneur près de chez mes parents.Ma plus grande crainte à ce moment-là était d'avoir à prendre le transport en commun tous les jours une fois la session commencée. J'ignorais l'existence de ces trails qui parcourent de vastes territoires sauvages sur des centaines et des centaines de kilomètres, et que des fous tentent de traverser d'un bout à l'autre. J'avais la tête aux plantes. Et aux champignons.»

Émission du 2 mai 2023

0s · Published 03 May 00:00
Mission encre noireTome 37 Chapitre 408.Le plein d’ordinaireparÉtienne Tremblayparu en 2023 aux éditionsLes Herbes Rouges. Asti qu’était belle! se dit Mathieu alors qu'il entre dans le Pétro sur le boulevard qui mène vers Longueuil, proche de l’usine Weston. Elle, c’est Val,sa future collègue que l’adolescent de Boucherville va chercher désespérément à séduire. Le futur cégépien est persuadé d’être promis à un grand destin de poète, cela sera-t-il suffisant pour elle? En attendant, il travaille de nuit dans une station-service à distance de vélo de chez lui. Une job parfaite qui lui permet de lire à sa guise, de consommer ses trois gammes de pot, de voler des cigarettes et de manger à volonté. Mathieu illustre à merveille la chronique ordinaire d’un ados de banlieue des années 2000. Une jeunesse qui se mélange, qui se passionne, qui se voit un avenir exceptionnel, qui rêve la vie en grand plutôt qu’à travers le miroir aveugle de l’écran noir d’un cellulaire. Mathieu n’a rien de différent des autres, si ce n’est l’élan que lui procure une sensibilité exacerbée et un certain goût du risque. Des excès qui fatalement se fracasseront contre le mur des réalités. Voici un roman initiatique qui relate l’aventure épisodique, très attachante, d’un jeune homme en quête de lui-même, pris au centre de son univers sensible, près à devenir un autre Mathieu, même s'il ne sait pas très bienencore à quoi cela ressemblera. J’accueille, ce soir àMission encre noire,Étienne Tremblay. Extrait:«Pas de doute, j'étais un poète. Je sais pas pourquoi je l'oubliais des fois d'ailleurs. Une chance que Dom était là pour me le rappeler souvent. Lui, il en était un, sûr et certain. Ou non, peut-être que Dom était plus un philosophe? Un peu des deux je pense. C'est normal, il est plus vieux que moi. Mais moi, poète, ça me suffisait depuis que j'avais découvert que je l'étais. C'est sûr que j'avais pas écrit grand-chose cet été, mais ça amoindrissait pas ma vraie nature. Tout est là, dans ma tête. Ça va sortir en temps et lieu. Une tête bien faîte, comme disait le Français de Dom, c'est là-dessus que je travaillais cet été. Il fallait que je montre à Val que j'étais détaché des choses d'ici-bas. Qu'il y avait une douve entre le monde et moi. Elle verrait combien je suis sensible et profond. J'ai botché ma clope et je suis rentré. À l'intérieur, Val me regardait les bras croisés. Comme je me sentais rougir en marchant, j'ai compensé en la regardant droit dans les yeux. Elle a souri. Moi aussi. Je suis passé derrière le comptoir et j'ai croisé un bras comme elle. Une minute a passé. Il y avait personne dans le magasin, personne aux pompes. Ça me prenait toute mon énergie pour m'empêcher de rompre le silence. Les choses d'ici-bas ne me font rien. Une douve. Une tranchée. Ne pas parler. Mais ça a payé. C'est elle qui l'a fait d'abord. Fak ? J'ai ri un peu. Je me suis gratté la joue et je me suis tourné vers elle.» Domaine LiliumparMichael Blumparu en 2023 aux éditionsHéliotropedans lacollection Noir. Dan Katz Débarque à l’aéroport CDG pour faire des recherches pour écrire un livre d'architecture autour de l'histoire concentrationnaire. Il s'intéresse plus particulièrement à la cité de la Muette en banlieue parisienne. Un lieu qui a tour à tour joué le rôle d’habitat social moderne, d’internement sous l’occupation nazie, caserne de gendarmes puis de HLM. Ses passeports israélien et canadiens, lui permettent de voyager sans trop de problème pour compléter ses enquêtes. À travers les archives, il découvre la responsabilité du lieutenant de gendarmerie Henri Cannac dans la torture et la déportation de ses grands-parents. Joseph et sa femme Colette sont parmi les mille déportés du convoi numéro 57 du 18 juillet 1943. Si Henri est décédé depuis longtemps, son petit-fils, lui, sévit encore, à la tête du Parti de la France. La tentation est grande de lui faire payer les exactions de la famille, même si, à lui-seul, le petit gendarme ne peut être tenu responsable de l’holocauste. Pourtant la méticulosité et l'acharnement de Katz vont lui révélerles curieux projets du politicien. Notamment celui qui implique des intérêts fonciers au Québec. Katz prend tous les risques pour déjouer ses plans, y compris celui d’y laisser sa peau. À force de naviguer dans les eaux sombres de la masse mouvante de l’histoire, Katz nous dévoile les traits d’un visage reconnaissable entre tous, toujours autant d’actualité, celui de la haine de l’autre. Je vous propose de vous laisser chavirer parce percutantroman noir, j’accueille, ce soir, àMission encre noire,Michael Blum. Extrait:«Des décisions devaient être prises même s'il ne parvenait pas encore à les formuler. L'envie de sortir pour décanter ses idées s'imposa à lui. Il remonta la rue Auguste-Blanqui, puis prit Henri-Barbusse à droite et Gaston-Landry, qui devenait Sacco et Vanzetti un bloc plus loin. La banlieue rouge et ses odonymes à la gloire d'une gauche encore debout lui plaisaient. En continuant tout droit sur Maxime-Gorki, il remarqua, après quinze minutes de marche, que ses pensées commençaient à se mettre en mouvement. À l'évidence, il ne trouverait rien en googlant Henri Cannac, à moins que sa vie ait été documentée post mortem. Katz voulait connaître les grandes lignes de son CV après la guerre, particulièrement savoir s'il s'était engagé en Indochine ou en Algérie pour continuer à abuser de l'immunité conférée par le képi. D'autres gendarmes de Drancy avaient eu cette idée, à commencer par leur chef, Marcellin vieux, celui qui revint en France de son exil argentin pour aller massacrer des algériens. Katz voulait en savoir plus sur cette crapule que même ses propres hommes détestaient.»

Émission du 2 mai 2023

0s · Published 03 May 00:00
Mission encre noireTome 37 Chapitre 408.Le plein d’ordinaireparÉtienne Tremblayparu en 2023 aux éditionsLes Herbes Rouges. Asti qu’était belle! se dit Mathieu alors qu'il entre dans le Pétro sur le boulevard qui mène vers Longueuil, proche de l’usine Weston. Elle, c’est Val,sa future collègue que l’adolescent de Boucherville va chercher désespérément à séduire. Le futur cégépien est persuadé d’être promis à un grand destin de poète, cela sera-t-il suffisant pour elle? En attendant, il travaille de nuit dans une station-service à distance de vélo de chez lui. Une job parfaite qui lui permet de lire à sa guise, de consommer ses trois gammes de pot, de voler des cigarettes et de manger à volonté. Mathieu illustre à merveille la chronique ordinaire d’un ados de banlieue des années 2000. Une jeunesse qui se mélange, qui se passionne, qui se voit un avenir exceptionnel, qui rêve la vie en grand plutôt qu’à travers le miroir aveugle de l’écran noir d’un cellulaire. Mathieu n’a rien de différent des autres, si ce n’est l’élan que lui procure une sensibilité exacerbée et un certain goût du risque. Des excès qui fatalement se fracasseront contre le mur des réalités. Voici un roman initiatique qui relate l’aventure épisodique, très attachante, d’un jeune homme en quête de lui-même, pris au centre de son univers sensible, près à devenir un autre Mathieu, même s'il ne sait pas très bienencore à quoi cela ressemblera. J’accueille, ce soir àMission encre noire,Étienne Tremblay. Extrait:«Pas de doute, j'étais un poète. Je sais pas pourquoi je l'oubliais des fois d'ailleurs. Une chance que Dom était là pour me le rappeler souvent. Lui, il en était un, sûr et certain. Ou non, peut-être que Dom était plus un philosophe? Un peu des deux je pense. C'est normal, il est plus vieux que moi. Mais moi, poète, ça me suffisait depuis que j'avais découvert que je l'étais. C'est sûr que j'avais pas écrit grand-chose cet été, mais ça amoindrissait pas ma vraie nature. Tout est là, dans ma tête. Ça va sortir en temps et lieu. Une tête bien faîte, comme disait le Français de Dom, c'est là-dessus que je travaillais cet été. Il fallait que je montre à Val que j'étais détaché des choses d'ici-bas. Qu'il y avait une douve entre le monde et moi. Elle verrait combien je suis sensible et profond. J'ai botché ma clope et je suis rentré. À l'intérieur, Val me regardait les bras croisés. Comme je me sentais rougir en marchant, j'ai compensé en la regardant droit dans les yeux. Elle a souri. Moi aussi. Je suis passé derrière le comptoir et j'ai croisé un bras comme elle. Une minute a passé. Il y avait personne dans le magasin, personne aux pompes. Ça me prenait toute mon énergie pour m'empêcher de rompre le silence. Les choses d'ici-bas ne me font rien. Une douve. Une tranchée. Ne pas parler. Mais ça a payé. C'est elle qui l'a fait d'abord. Fak ? J'ai ri un peu. Je me suis gratté la joue et je me suis tourné vers elle.» Domaine LiliumparMichael Blumparu en 2023 aux éditionsHéliotropedans lacollection Noir. Dan Katz Débarque à l’aéroport CDG pour faire des recherches pour écrire un livre d'architecture autour de l'histoire concentrationnaire. Il s'intéresse plus particulièrement à la cité de la Muette en banlieue parisienne. Un lieu qui a tour à tour joué le rôle d’habitat social moderne, d’internement sous l’occupation nazie, caserne de gendarmes puis de HLM. Ses passeports israélien et canadiens, lui permettent de voyager sans trop de problème pour compléter ses enquêtes. À travers les archives, il découvre la responsabilité du lieutenant de gendarmerie Henri Cannac dans la torture et la déportation de ses grands-parents. Joseph et sa femme Colette sont parmi les mille déportés du convoi numéro 57 du 18 juillet 1943. Si Henri est décédé depuis longtemps, son petit-fils, lui, sévit encore, à la tête du Parti de la France. La tentation est grande de lui faire payer les exactions de la famille, même si, à lui-seul, le petit gendarme ne peut être tenu responsable de l’holocauste. Pourtant la méticulosité et l'acharnement de Katz vont lui révélerles curieux projets du politicien. Notamment celui qui implique des intérêts fonciers au Québec. Katz prend tous les risques pour déjouer ses plans, y compris celui d’y laisser sa peau. À force de naviguer dans les eaux sombres de la masse mouvante de l’histoire, Katz nous dévoile les traits d’un visage reconnaissable entre tous, toujours autant d’actualité, celui de la haine de l’autre. Je vous propose de vous laisser chavirer parce percutantroman noir, j’accueille, ce soir, àMission encre noire,Michael Blum. Extrait:«Des décisions devaient être prises même s'il ne parvenait pas encore à les formuler. L'envie de sortir pour décanter ses idées s'imposa à lui. Il remonta la rue Auguste-Blanqui, puis prit Henri-Barbusse à droite et Gaston-Landry, qui devenait Sacco et Vanzetti un bloc plus loin. La banlieue rouge et ses odonymes à la gloire d'une gauche encore debout lui plaisaient. En continuant tout droit sur Maxime-Gorki, il remarqua, après quinze minutes de marche, que ses pensées commençaient à se mettre en mouvement. À l'évidence, il ne trouverait rien en googlant Henri Cannac, à moins que sa vie ait été documentée post mortem. Katz voulait connaître les grandes lignes de son CV après la guerre, particulièrement savoir s'il s'était engagé en Indochine ou en Algérie pour continuer à abuser de l'immunité conférée par le képi. D'autres gendarmes de Drancy avaient eu cette idée, à commencer par leur chef, Marcellin vieux, celui qui revint en France de son exil argentin pour aller massacrer des algériens. Katz voulait en savoir plus sur cette crapule que même ses propres hommes détestaient.»

Émission du 25 avril 2023

0s · Published 26 Apr 00:00
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 407. Loger à la même adresse, conjuguer nos forces face à la crise du logement, l’isolement et la pauvretépar Gabrielle Anctil paru en 2023 aux éditions XYZ dans la collection Réparation. Plus de 80% de la population canadienne vit en ville selon statistique Canada en 2018, de 2001 à 2021. Le nombre de ménage composé de colocataires a augmenté de 54%, et en 2018 toujours, la Journée des communautés intentionnelles a accueilli près de 200 participant.es à Montréal. Si cette tendance coïncide avec le besoin de se loger pour moins cher devant l’augmentation abusive des loyers dans la métropole, elle révèle aussi le désir de s'offrir une autre manière de vivre. Au Québec, les nombreuses Premières Nations au pays ont vécu en communauté depuis la nuit des temps, la province possède également une longue histoire de collaboration à travers le tissu riche et variés de ses coopératives. Gabrielle Anctil vit depuis 14 ans dans une communauté intentionnelle nommé La cafétéria. Nourriture partagée, dépenses amorties en groupe, des corvées aux six semaines, des préparations de soupers collectifs deux fois par semaine font partie de sa routine de vie en communauté intentionnelle dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve à Montréal. Ce premier essai, affublé d’une clinquante couverture orangée, se veut autant un témoignage de première main qu’une boite à outil pour celles et ceux qui rêvent de vivre autrement, et qui désirent de changer radicalement de mode de vie. Comme le dit si bien l’écrivain de science fiction Alain Damasio,au lieu de rêver du grand soir,mieux vaut savoir bifurquer. Une attitude qui ouvre vers d’autres possibles collectifs, car une communauté intentionnelle s’est également envisager une autre façon de vivre socialement et politiquement ensemble. Je reçois, ce soir, à Mission encre noire, Gabrielle Anctil. Extrait:« Vue de l'extérieur, une communauté intentionnelle est un lieu de vie plutôt classique. En regardant à travers nos fenêtres, vous pourriez voir que nous menons des activités peu différentes de celles qui ponctuent le quotidien de nos voisin.e.s : on fait à souper, on écoute la télé, on passe le balai, on prend un verre après le travail...Vue de l'extérieur, notre vie est généralement plutôt banale. Ne soyez pas berné.es. Les communautés intentionnelles sont un lieu d'effervescence. Le simple fait de vivre ensemble selon un modèle hors norme nous amène à poser des gestes qui ont un impact majeur sur nos habitudes de vie. En vivant ainsi, nous offrons des solutions concrètes à des défis auxquels nous devons tous et toutes faire face quotidiennement: les effets du vieillissement de la population, le travail d'élever des enfants, les maladies soudaines et les épidémies, la disparition du couple nucléaire et bien d'autres. Nous réinventons la manière de tenir notre logis en ordre et de préparer à souper et, avec ça, nous trouvons des solutions à la crise climatique et aux inégalités systémiques. Vous ne me croyez pas ? Attachez votre ceinture.» Motifs raisonnables, dix ans d’affiches politiques par Clément de Gaulejac paru en 2023 aux éditions Écosociété. Parmi les effluves de gaz lacrymo, de claquements incessant de casseroles, de bouts de feutrine de carré rouge ou vert, de débats sans fin dominicaux à la table familiale, que nous reste-t-il de la grève étudiante contre la hausse des frais de scolarité aujourd’hui? En 2012, Clément de Gaulejac dessinait des affiches qu’il publiait en ligne et qui circulait dans la rue. Vous en avez peut-être vu, et le trait de l’auteur vous est, malgré vous, familier. Chapleau, Côté ou bien Pascal Élie sont bien connus parmi les journalistes de presse écrite, le territoire de jeu del'artiste commence, lui, par la rue. Il prend goût au dessin satirique, à travers un cheminement qui le conduit autour des années 2000, alors qu’il monte sa microstructure d’autoédition, L’eau tiède, vers un blogue en 2006, puis la diffusion d’affiches dans la rue en 2012. En 2021, un site est créé dédié à l’archivage de cet affichage politique, eau-tiède.org. Motifs raisonnables est également le titre d’une exposition qui a eu lieu en 2013 au centre Skol. Accompagné à la mise en page de son complice Vincent Giard, auteur et éditeur de bandes dessinées, ainsi que de Valérie Lefebvre-Faucher en postface, ce livre vous permet de retrouver bon nombre des 300 affiches réalisées par l’auteur depuis dix ans. Entre impostures, blagues potaches, cynisme, satires, Motifs raisonnables jette un regard acéré sur la société en laissant une large place aux illustrations, et aux propos engagés qui s’apparentent plus à la libre parole d’un écrivain public plutôt que ceux de la propagande. Je reçois, ce soir, à Mission encre noire, Clément de Gaulejac. Extrait:« Lorsque je présente mon travail d'affiches, on me demande parfois si je pense qu'elles sont « utiles » - sous-entendu: si elles font avancer les causes qu'elles défendent. Je pense que c'est une drôle de question. Un peu comme quand on se demande si une manifestation est utile. Utile à quoi ? Dans une manifestation, un ensemble de personnes, un collectif, se donne à lui-même le spectacle de sa propre puissance. Même si une manifestation interpelle le pouvoir, c'est d'abord à elle-même qu'elle s'adresse. Mes dessins fonctionnent un peu de la même manière: ils prêchent aux convaincu.es. Et c'est vrai que je ne cherche pas à conscientiser un public qui ne le serait pas déjà. Je n'espère qu'une chose: que mes affiches fassent du bien celles et ceux qui les regardent ou qui se les approprient en étendard - comme ces deux manifestant.es qui s'étaient emparé.es de mon affiche du dinosaure sur le camion pour la reproduire sur un grand drap blanc ; ou celles et ceux qui grimpent dans les hauteurs pour y accrocher par-dessus des panneaux publicitaires géants des bannières dénonçant l'implication massive de la plus grande banque canadienne dans l'extraction des sables bitumineux ; ou encore celles et ceux qui barbouillent de colle les portes de cette même institution de la finance fossile / finance hostile.»

Émission du 28 mars 2023

0s · Published 29 Mar 00:00
Mission encre noire Tome 37 chapitre 406. Jour encore, nuit à nouveau par Tristan Saule paru en 2023 aux éditions Le Quartanier dans la collection Parallèle Noir. Loïc ne sort plus de chez lui. Il scrute la place carrée par la lunette de sa carabine tchèque de calibre. 22. L'oeil collé au viseur, il observe la France déconfinée en mai 2020. Cela fait un an que Loïc n’a pas mis un pied dehors. Il voit bien la grande esplanade depuis son troisième étage du bâtiment B. Il n’en peut plus de se savoir menacé par le virus, les vaccins, les femmes, l’usine de métallurgie qui l’emploie. Heureusement il y a encore Nini, sa sœur qui est DRH chez Lapeyre, le spécialiste en menuiserie, elle lui fait ses courses. Sans oublier, Elora Silva, un des rares lien avec l’extérieur qui lui reste. Avec peut-être aussi quelques séancesavec l’atelier de théâtre du quartier auquel il s’est inscrit. Il y retrouve Zineb et son délicat visage cerné par son hijab qu'il aime tant. Il va peu à peu perdre pied, être licencier, se couper de ses proches, entendre des voix, celles des personnages beckettiens de la pièce de théâtre qu’il écrit pour l’atelier, Clic et Cloque. Alors, il promène sa lunette de fusil vers la place, elle pointe vers son avenir, il a les larmes aux yeux. Roman sur la solitude, l’isolement, la difficulté de vivre le confinement, ce nouveau chapitre des Chroniques de la place carrée évoque le moisissement intérieur d’un homme et d’un monde ébranlé par la pandémie. Ce regard paranoïaque et menaçant qui balaie la place carrée se révèle un portrait frontal d’une France malade, qui a perdu ses repères. Nous embarquons ce soir pour ce thriller psychologique hypnotique en compagnie de Tristan Saule qui est notre invité à Mission encre noire. Extrait:« Il faudrait partager les souvenirs, a-t-il écrit. Si quelqu'un nous oublie, nous aussi, on devrait l'oublier. C'est injuste de se souvenir de quelqu'un qui ne pense plus à nous. Quelques jours après l'installation de SOS confinement, Loïc a ouvert le placard de la chambre, il en a sorti le fourreau, il a fait glisser la fermeture éclair du fourreau, il en a tiré la carabine, équipée de son bipied, qu'il a déplié avant de se poster devant la fenêtre. Par la lunette, il voyait mieux les traits harmonieux de Zineb, les fossettes qui se creusaient quand elle souriait, les mèches de cheveux fins noirs qui s'échappaient de son voile. Il aurait voulu démonter le viseur de la carabine mais il n'a pas retrouvé la petite clé Allen qui permet de desserrer la paire de colliers. Pépé lui avait dit que, de toute manière, une optique de visée, une fois que c'est installé et réglé, il valait mieux pas y toucher. Loic a laissé tomber. Il a déplacé devant la fenêtre une desserte à roulettes qui ne lui servait à rien d'autre qu'à jeter ses clés de voiture et toutes les babioles qui encombraient ses poches. Il a posé le bipied dessus, s'est assis sur l'accoudoir du canapé et, la crosse calée contre l'épaule, l'oeil devant la lunette et le doigt sur la détente, il s'est mis à observer. Je vise le monde, écrivait-il. J'ai mon avenir en ligne de mire.» Un grondement féroce par Léa Arthemise paru en 2023 aux éditions Héliotrope. Il est possiblepour certainespersonnes, dese reconnaître un destin dans les taches d'encre d'un bureau, l'intérieur d'une paire de mains sèche, le vol accidenté d'un oiseau se fracassant dans une vitre. Serait-ce le cas de Mia Clark, la romancière , l'autrice du récent phénomène littéraire Un grondement féroce? C’est ce que présuppose la narratrice de ce romanau moment même où elle dérape sur une plaque de glace, à l’endroit précis où l’écrivaine disparaîtra, quelques années plus tard, un jour de juillet 2020: le viaduc Rosemont-Van Horne. Ce nom est aussi, et surtout, celui de William Van Horne, futur directeur général du Canadien Pacifique. Un homme dont le destin de papier est narré par Mia Clark, précisément. Il nous faudra fouiller, ce passé, qui commence dans une école de Joliet, Illinois en 1856, pour espérer soulever les mystères qui recouvrent cette étrange disparition aujourd'hui. Le viaduc du Mile end, devient, malgré lui, un espace d’inspiration et d’intrigues dans un troisième roman qui nous invite à remonter le temps. J’accueille, ce soir à Mission encre noire, Léa Arthemise. Extrait:« Tu dois te poser beaucoup de questions, William, c'est tout à fait légitime. Il me convient maintenant de préciser le cadre de l'entreprise dans laquelle je me suis lancée et la raison pour laquelle je m'adresse à toi: l'existence de Mia telle que je la perçois a été intrinsèquement liée à la tienne. Mia a disparu sur l'un des tronçons de chemin de fer appartenant à la compagnie que tu as dirigée pendant des années, à l'endroit où cette ligne est enjambée par le viaduc routier qui porte ton nom. Mia ma confié l'écriture de sa vie. De ton vivant, tu as confié l'écriture de la tienne à la journaliste Katherine Hugues. Et puis tu es mort. À Hugues ton fils a préféré un homme, Walter Vaughan. Dans la préface de son livre, vaughan indique qu'il te connaissait bien. Il précise que son récit de toi est «honnête et âcre ». Vaughan écrit également que tu t'insurgeais contre les biographies non autorisées, arguant qu'elles avaient été cuisinées et «édulcorées pour plaire». Cette citation est intéressante, car Vaughan s'en sert pour légitimer son propre travail. Il prévient ses lecteurs que contrairement aux biographies de tes contemporains, son récit de toi est authentique. Cette mention, brandie comme un drapeau, tend à défendre le contraire.»

Émission du 14 mars 2023

0s · Published 15 Mar 00:00
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 405. Cet exécrable corps, dissection de la grossophobie internalisée par Eli San paru en 2023 aux éditions Remue-ménage avec des illustrations de l’autrice. Si «ce corps me pousse à hurler», ce sont les premiers mots du texte, il permet aussi d’écrire sur la grossophobie ambiante. Il faut du cran lorsqu’on a mal à la peau, lorsque votre propre organisme vous dégoûte, lorsque votre morphologie devient une véritable prison, pour prendre la plume pour creuser plus profond. Tout en étant admiratrice de leur audace, et de la détermination du collectif, l’autrice avoue avoir de la difficulté à adhérer complètement au mouvement body positive, bien malgré elle. Aucune animosité à cela, de sa part, Eli San partage le même constat, les grosses personnes font l’objet d’une stigmatisation sociale omniprésente. La militante féministe et bibliothécaire montréalaise se met à nu, dans son intimité, dans son quotidien. Si personne n'ose vraiment le faire, l'autrice se réapproprie un champ d’expression de soi,au risque de déplaire. Parler de ses inconforts, des difficultés rencontrées dans sa vie amoureuses, de s’habiller à son goût, de monter des escaliers, bref, que ce soit dans la désinvolture ou l'aveu de faiblesse, Eli San est loin de vouloir se décourager, ni loin de vouloir blesser qui que ce soit. Ses confidences font mouche. Justement, parce que l’autrice s’y révèle vulnérable.Et dans ce miroir d’elle-même qu’elle nous tend, de toute cette haine de soi qui refait surface assurément, elle déclare la guerre aux préjugés: c’est le travail d’une vie. Pour en finir de vivre dans l’invisibilité j’accueille, ce soir, à Mission encre noire, Eli San. Extrait:« (Ce corps) Il détermine à quels stimuli je porte attention, partout autour de moi. Quand je vois une pub qui capitalise sur l'image de la femme, je tombe dans le piège des codes qui font vendre. Ma conscience féministe s'entre-déchire. J'observe les corps des mannequins, je suis appâtée par elles même si je songe au fait qu'elles pourraient casser en deux sous le poids d'un sac à dos. Je me surprends à rêver de me blesser de la sorte. J'aimerais avoir le luxe de choisir d'adhérer ou non à ces codes. Mais confinée à la marge, je jongle entre colère et envie. Vouloir le même corps qu'elles, mais ne rien faire pour y arriver. Vouloir que tous les corps aient leur place dans la société, mais encore ne rien faire, mis à part pondre quelques lignes revendicatrices pour apaiser temporairement ma rage. Je stagne parce que l'autodestruction est un pauvre vecteur de changement. La haine consume toute l'énergie dont j'aurai besoin pour me construire, me révolter - ou les deux.» La Revue Moebius 176, un numéro spécial 45 ème anniversaire intitulé « Quand nous nous voyons nous savons», une citation de Jean-Paul Daoust Tirée de «Mais cette lettre est une belle extravagance» datant du Moebius 120 de 2009. Joyeux anniversaire la revue Moebius! Crée en 1977 par Pierre Desruisseaux, Raymond Martin et Guy Melançon, la revue se veut être un laboratoire d’écriture, un foyer de culture qui valorise autant les formes et les genres littéraires les plus varié.e.s, que la mise en scène de la subjectivité et l’expérimentation. Passée de main en main, d’une direction littéraire à une autre, Moebius a su se renouveler et se révèle depuis, un creuset exceptionnel pour accueillir les nouvelles voix d’ici et d’ailleurs, pour désencastrer les imaginaires, dépoussiérer les héritages égarés. De cet esprit d’audace et disons le, de style, la revue vous donne bien souvent l’occasion de découvrir les premiers textes inédits d’auteurices confirmé.e.s, ou en devenir. Gérald Gaudet, Fiorella Boucher, Gabrielle Giasson-Dulude, Julien Guy-Béland, Sanna, Denise Desautels, Catherine Parent, Flavia Garcia, Louise Marois, Karianne Trudeau-Beaunoyer, Justice Rutikara, Jean-Paul Daoust, Caroline Dawson, Marie-Celie Agnant, Valérie Savard, Jeannot Clair, Nelly Desmarais, et Virginie Fauve , sous la direction éclairée de Nicholas Dawson et Alex Noël, toutes et tous se prêtent au jeu de la correspondance, à l’image de la rubrique culte qui paraît à chaque numéro de la revue, la fameuse lettre à …. Chaque voix s’élance fébrile ou assurée, traverse les genres et les générations «dans l’obscurité fertile de la littérature», comme annonce le préambule. J’accueille les deux chefs d’orchestre de ce bal d’anniversaire littéraire, à la baguette, ce soir, à Mission encre noire, Nicholas Dawson et Alex Noël sont nos invités. Extrait:« Je ne suis encore jamais allé voir l'océan des arabesques ni les champs de la Palestine pour me reposer à l'ombre d'un olivier un après-midi après une récolte. Je n'ai jamais couru un matin dans les rues de Londres ou parcouru les collines fraîches de Ramallah pour déguster un thé à la menthe en récitant les poèmes de Darwich. Je n'ai jamais surveillé l'horizon du Moshav de Kfar Malal avec un fusil allemand ni attendu désespérément le réveil de mon père tombé dans le coma. Et pourtant, je comprends ce que c'est d'être un enfant déraciné qui rêve en couleur de prendre sa place dans ce monde trop grand, mystérieux et souvent absurde. Né au Rwanda, à quelques mois de la tragédie nationale de 1994, je suis depuis un exilé de ces terres qui ont pourtant façonné des générations et des générations de mes ancêtres. Malgré cette perte, à une dizaine de milliers de kilomètres de ces mille collines, je songe et réalise des histoires cinématographiques qui m'aident à valider mes sentiments uniques et pourtant partagés avec tant d'autres individus de ce monde. Je comprends ce que cela signifie d'être un.e adulte au passé lié à la guerre et au déplacement et qui préfère poétiser ses tourments à travers des fictions au lieu de les reproduire fidèlement. Je comprends ce que c'est d'être un homme-enfant d'expatrié.e.s dont le peuple a été persécuté et consumé par la haine jusqu'à devenir prédateur d'humains.»

Émission du 28 février 2023

0s · Published 01 Mar 01:00
Mission encre noire Tome 37 Chapitre 403. Cher Connard par Virginie Despentes paru en 2022 aux éditions Grasset. Oscar Jayack, un modeste romancier, ne pensait pas vraiment être lu par Rebecca Latté, une star de cinéma en fin de carrière, lorsqu’il publie un texte abjecte, sur Instagram. Et pourtant, sa réponse sous la forme d’une correspondance sera cinglante: Cher connard. Effacer sa publication n'y suffira pas, il lui admet son erreur. Elle n’a que faire de ses excuses mielleuses. Élevé dans les mêmes quartiers, êtrele frère de la meilleure amiede Rebecca dansles années 80, Corinne, n'y changera rien. Il a eu tort. Néanmoins, le dialogue va peu à peu s’instaurer. Ils ont en commun d’avoir grandi dans desbanlieues ouvrières dont tout le monde se fout. Dans ce roman épistolaire, se dessine en creux un portrait accrocheur de deux solitudes, celui d’une génération engluée dans l’héritage patriarcal des annéespost-soixante-huitardes. Chacun.e englué.e dans diverses dépendances à l'alcool et aux drogues, se prennent le mouvement MeToo de plein fouet. «La vengeance des pétasses» comme le dit Oscar, contre le fameux mâle blanc. Alors que Zoé Katana, une ancienne attachée de presse d’édition le dénonce à son tour dans son blogue féministe radical, Oscar montre un autre visage. Et puis il y aura la COVID. Le confinement fait déambuler Rebecca etVirginie Despentes dans les rues vides d’un Paris qui a disparu. Cette ville, qu’elles connaissent si bien, n’est plus. Virginie Despentes se livre plus que jamais ici sur ses amours et ses intoxications aux drogues. Il est toujours grisant de retrouver ce ton si particulier,un mélange d'esprit contestataire et de regard critique sur notre époque porté par une voix badass. À celles et ceux qui la trouve radicale, elle rétorque: «la féminité est une prison et on en prend pour perpet.» Si Cher connard peu paraître un roman de la réconciliation, ne soyez pas dupes. Ce livre est une maison, celle de toutes les féministes, une décharge avec des rats et d’autres mauvaises filles. Punk as always, Cher Connard par Virginie Despentes paru en 2022 aux éditions Grasset. Extrait: « La peur de perdre sa respectabilité, ça, c'est bourgeois. Au sens péjoratif du terme. Dire qu'on est un artiste et vouloir être aimé, ça n'a pas de sens. Je suis actrice. Si personne ne m'aime, je disparais. N'empêche que je n'ai jamais privilégié l'amour du plus grand nombre à ma sincérité. Je ne suis pas un soda qu'on cherche à vendre à tous les enfants. Je ne me présente pas à une élection présidentielle, que je dois gagner en séduisant la majorité des citoyens. C'est mon courage d'être sincère que je vends. D'être précisément moi, que ça te plaise ou non. Ce qui fait qu'on m'a choisie plutôt qu'une autre pour de grands rôles, ce n'est ni ma plastique ni ma diction. C'est que j'ai le cran de ne pas ressembler à tout le monde. Je prends le risque de déplaire, ça fait partie du job. Tu ne peux pas marquer les esprits si tu crains d'être qui tu es. Ce n'est pas la situation qui te rend impuissant. C'est le flip que tes voisins de palier ne te saluent pas comme un notable. Tu peux invoquer ta naissance et parler du métier de tes parents pour te victimiser et justifier ta faiblesse. Mais on sait l'un comme l'autre que c'est une excuse. Les enfants riches sont comme toi. Tout le monde veut faire de la publicité aujourd'hui. C'est-à-dire produire des messages esthétiquement cohérents et qui s'adressent au client qui les commande. Qui se foutent de la vérité. Qui ne veulent que séduire, et jamais déranger personne. Vous voulez que votre art soit pris au sérieux mais vous ne voulez pas déplaire, ni être en danger.» Le génocide des Amériques. Résistance et survivance des peuples autochtones par Marcel Grondin et Moema Viezzer, paru en 2022 aux éditions Écosociété. Cette œuvre magistrale a été publiée en 2018 en portugais-brésilien, elle est désormais traduite en version française par les éditions Écosociété, agrémentée d’un chapitre abordant le génocide des Peuples Premiers du Canada. La rédaction en a été confiée à un historien innu, Pierrot Ross-Tremblay en collaboration avec l’avocate Nawel Hamidi. Il est impossible de comprendre le mal-développement socio-économique des pays latino-américains et caribéens sans retracer le chemin du plus grand génocide de l’histoire de l’humanité. La conquête du nouveau monde a décimé 90 à 95% de la population autochtones des Amériques. Et ce sur cinq grands espaces – Caraïbes, Mexique, Andes, Brésil et États-Unis – dans le but d’asservir et de piller l’ensemble des richesses qui s’étend des Amériques jusqu’aux îles du Pacifique. Ce livre est aussi bien un hommage aux Peuples résistant qu’un appel à la résistance et au réveil. Les blessures liées à la colonisation étant encore bien réelles aujourd’hui. Ce livre vous donne l’opportunité de relire l’histoire dépoussiérée des demi vérités et des gros mensonges, véhiculés par la version eurocentriste, appuyée par une culture populaire édulcorée. Cet essai dissèque les rouages bien huilés de la machine capitaliste coloniale, sur laquelle repose notre héritage actuel. Devant les chiffres effarants présentés ici, c’est surtout le moment d’apprendre dans ses pages à faire et à penser différemment. Cela signifie, notamment, d'apprendre à nous reconnaître en tant qu’habitant de la terre, notre maison commune. Et si les guerres de conquête d’aujourd’hui ressemble à celle d’hier, n’y-a-t-il pas urgence à changer? Comment? Un proverbe attribué aux nations Ute et Sioux d’Abya Yala, dans le nord du continent donne une réponse: «Ne marche pas derrière moi, peut-être/que je ne souhaite pas mener/Ne marche pas devant moi, peut-être/que je ne veux pas te suivre./ Marche à côté de moi...pour que nous puissions avancer ensemble.» Le génocide des Amériques. Résistance et survivance des peuples autochtones par Marcel Grondin et Moema Viezzer, paru en 2022 aux éditions Écosociété. Extrait: « L'assemblée des Nations unies vota le 9 septembre 1948 la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, qui fut ainsi défini: Un génocide s'entend de l'un quelconque de ces actes ci-après, commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel: a) meurtre de membres du groupe ; b) Atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe ; c) soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ; d) mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ; e) transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe. » Poids Lourd par Daniel Bélanger paru en 2022 aux éditions Les herbes rouges. Un homme seul dans sa voiture double un camion chargé de porc qui file vers l’abattoir. Ce sont les premiers mots qui vont conduire le fil ténu des poèmes qui tiennent en équilibre autour de ce qui pourrait sembler être un rythme de blues. Cet homme aime la vie simple, boire un thé, guetter l’aube et ses oies qui cacardent, observer une femme qui se maquille devant son miroir, se rappeler au souvenir de son père qui redressait les clous comme on fait les mots croisés. Mais vivre c’est aussi craindre de se laisser déborder par l’empreinte néfaste du monde. De vivre malgré soi au centre de l’apocalypse tranquille d’une humanité qui part à vaux l’eau et qui s’en fout, un coup de fourchette à la fois. Car quoi qu’il arrive, C’est toujours le cochon que l’on tue pour manger. Comment faire pour que le poète chante encore, pour que le poète rêve encore en silence de retrouver la langue facile de l’enfance? Pour faire comme si tout allait bien, pour prétendre rêver mieux peut-être? Sous un soleil timide, à l’heure bleu de ses poèmes, Daniel Bélanger est auteur, compositeur, interprète, lauréat de nombreux prix. Les insomniaques s’amusent, Rêver mieux, l’Échec du matériel figurent parmi les albums marquant du paysage musical québécois. Poids lourd vient compléter la palette de l’artiste dont on retrouve le travail également au cinéma et au théâtre.Si ce recueil a des relents de purin et de sang, l’image du camion transportant des porcs à l’abattoir illustre bien l’angoisse de l’auteur devant un monde qui roule à tombeau ouvert vers sa finitude.« je suis un bâtard légitime/louvoyant entre la chanson et la livraison de marchandise/entre le slogan et le cochon.», clame l'auteur, loin de se prendre au sérieux, une certaine légèreté est possible malgré tout. Daniel Bélanger vous invite à une autre forme de voyage, à une autre aventure dans ce recueil réussie, Poids Lourd paru en 2022 aux éditions Les herbes rouges. Extrait: « Hier sur l'autoroute, j'ai doublé/un camion chargé de porcs. Il fonçait/visiblement droit à l'abattoir./Au passage, j'ai aperçu les bêtes,/oscillantes, silencieuses./J'ai passé mon chemin/comme on hausse les épaules./Je suis allé à la chanson suivante.// Dans un café,/un homme boit son thé./Quoique libre et aimé/il se sent captif./Puis un rayon/coule jusqu'à sa main./Il la réchauffe.»

Mission encre noire has 510 episodes in total of non- explicit content. Total playtime is 0:00. The language of the podcast is French. This podcast has been added on August 9th 2022. It might contain more episodes than the ones shown here. It was last updated on May 17th, 2024 05:57.

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