Nova Book Box cover logo

Xabi Molia : « La catastrophe, c’est aussi le temps de l’aventure »

50m · Nova Book Box · 27 Jun 12:45

Il a été le premier artiste à grimper à bord de notre podcast quotidien d’utopies poétiques,L’Arche de Nova, à formuler sa vision forcément trouble de l’avenir au temps du confinement, à esquisser ses doutes quant à notre envie de retour aux grandes embrassades sociales. Agrégé de lettres et professeur d’Histoire du cinéma, l’écrivain et cinéaste Xabi Molia, 42 ans, Basque de Bayonne auto-catapulté à Ménilmontant, publiera le 20 août aux éditions du Seuil son nouveau roman,Des jours sauvages, robinsonnade obligée de quatre-vingt Français échoués sur une île déserte du Pacifique, ces compatriotes ayant fui notre pays… ravagé par une épidémie de grippe inédite et foudroyante. Ciel!

Non, pas la peine de hurler à l’opportunisme: cesurvivalhumaniste était terminé en novembre dernier. «Aucun d’entre eux n’aurait dû se retrouver sur cette île inconnue, écrit Xabi Molia. (…)Ils se racontaient que le monde entier avait été contaminé et que ce serait une folie de le rejoindre. Ou bien ils craignaient d’être jugés à leur retour parce qu’ils avaient déserté. Ou juste ils trouvaient là une forme d’accord qu’en France ce qu’ils avaient appelé la vie moderne les avaient empêché d’atteindre. Ils voulaient qu’on les oublie. »

«Un confinement, ça peut durer», dit plus tard l’un des naufragés de cette île aux forêts «dédaléennes», aux troncs noirs «suintants». «Ils avaient laissé derrière eux les villes polluées et les étés caniculaires, l’argent, le travail salarié, le temps compté, le temps perdu sur internet, tous ces liens invisibles qui les empêchaient d’être heureux. La catastrophe était leur chance.» Mais pendant ces trois mois de pandémie, qu’a fabriqué l’auteur desPremiers(variation cocorico sur le mythe du super-héros, en 2017) ou d’Avant de disparaître(roman qui déjà, en 2011, peignait Paris débordée par une épidémie)? Nous avons une heure pour en parler et, comme dans les meilleurs films-catastrophes, je vous garantis un sacré rebondissement à la fin de cette émission.

Une émission imaginée et animée par Richard Gaitet, réalisée par Sulivan Clabaut. Programmation musicale: Michael Liot. Lecture finale: Sophie Marchand, d’après J. R. R. Tolkien.

Visuels:Lost, de Damon Lindelof, Carlton Cuse et J. J. Abrams (2004-2010).

Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy pour plus d'informations.

The episode Xabi Molia : « La catastrophe, c’est aussi le temps de l’aventure » from the podcast Nova Book Box has a duration of 50:45. It was first published 27 Jun 12:45. The cover art and the content belong to their respective owners.

More episodes from Nova Book Box

Calme avec Kae Tempest

« Rien n’est pour toi et tout est à vendre, bats-toi la bouche pleine de cendres, tu finiras par prendre goût aux secrets et à la déception. » Écoute les vers orageux de Kae Tempest, poète·sse, dramaturge, musicien·ne, enfant de William Blake et du Wu-Tang, voix tonitruante venue d’un quartier historiquement ouvrier du sud-est de Londres, fille d’une enseignante et d’un maçon devenu avocat après cinq ans de cours du soir, auteur de l’implacable Europe is lost et dont le premier roman, Écoute la ville tomber, sorti en 2016 en Angleterre, vient d’être traduit aux éditions Rivages.

L’histoire de jeunes Anglais·es en cavale, issu·e·s des classes populaires, qui cherchent leur voie dans un monde brutal pas du tout fait pour iels. Confirmant ici son sens aigu de l’observation sociale, Tempest dévoile une heure durant ses coups de foudre littéraires, parmi lesquels Don DeLillo, James Baldwin, Kathy Acker, Carson McCullers ou William Faulkner. L’émission sera conclue par la déclamation – d’un seul souffle, les yeux fermés – des premières pages de son poème Les Nouveaux Anciens (éditions de L’Arche).

Une émission imaginée et présentée par Richard Gaitet, réalisée par Sulivan Clabaut. Traduction : Marguerite Capelle. Programmation musicale : Michael Liot. Vidéo : Massinissa Naït Mouloud.

NovaBookBox, épilogue - l'enterrement mexicain

Finito, rideau, merci pour tout et à bientôt, vous pouvez débranchez la machine : le juke-box littéraire de Radio Nova ne reprendra pas à la rentrée. Après neuf saisons, dansons sur sa tombe en buvant de la tequila, en public, dans la cale de la péniche Grande Fantaisie. Olé !

« Je suis convaincu que je reste avant tout ce que j’ai toujours été : un narrateur, mais un narrateur avec des besoins extrêmement pressants. Je veux présenter, je veux décrire, je veux distribuer des amulettes, je veux déchirer mon portefeuille et faire passer à la ronde des photos, je veux suivre mon flair. »

J. D. Salinger dans Seymour, une introduction (1963).

Finito, rideau, merci pour tout et à bientôt, vous pouvez débranchez la machine : le juke-box littéraire de Radio Nova, que j’anime avec fougue depuis septembre 2011, ne reprendra pas à la rentrée. Cette émission, qui fut pendant huit ans quotidienne et nocturne avant d'être déplacée cette saison au dimanche midi, qui démarra sans montage dans une cabine d’un mètre carré avec seulement sept bouquins et des pages YouTube pour habiller mes élucubrations, m’a emmené dans des zones inattendues de l’espace et du temps, où j’ai pu grandir, m’épanouir.

J’ai voyagé : à Kinshasa pour dix jours tourbillons, au cœur d’Alger dans un lycée, à Namur en compagnie de Poelvoorde ivre caisse. Dans les Ardennes, à pied, avec l’escouade des Rimbaud Warriors. À Brest, pour ressusciter le dernier empereur d’Ethiopie. À bord d'un bateau à la frontière allemande, avec Jean Echenoz et un éléphant mauve. Sur un ring de boxe, dans la piscine des Bains-Douches, à l’Olympia (dans la petite salle) ou au 36 quai des Orfèvres. À Belleville, en pleine rue, pour l’opération « une lecture une saucisse ». En public et en pyjama, dans la commune imaginaire de Saint-Milou lors du festival des Épatants Sédentaires.

À chaque rentrée, la page 111 est devenue mon totem. Le reste de l’année, j’ai arpenté des paquebots : Alejandro Jodorowsky, Brigitte Fontaine, Kate Tempest, Luz, Jean-Claude Carrière, Luke Rhinehart, Pierre Richard, Brian de Palma… ou Jean Rouzaud. J’ai été étourdi par des paysages sonores, peints en direct sous des extraits de romans ou de poèmes par Arthur H, La Féline, Catastrophe, Babx, Arat Kilo, Barbara Carlotti, Perrine En Morceaux…

J'ai ri avec Diane Bonnot, j'ai pleuré Axl Cendres.

Et j’ai lu, tous les jours.

On pourrait s’arrêter là. Et que ne durent que les moments doux. Mais… comme il me reste encore une émission à diffuser, je voulais la vivre, en public, pour retraverser neuf ans d’archives et d’expériences improbables au service du passé simple, du pas-si-simple, de toutes les narrations, des rebondissements ou bien sûr des épilogues audacieux.

Pour notre épilogue, j’ai donc donné rendez-vous aux curieuses, aux égarés, ainsi qu’aux artistes ayant bêché et vu fleurir avec moi ce jardin de mots et de pensées, pour un enterrement de première classe que j’envisage comme assez mexicain, dansons sur les tombes en buvant de la tequila. À toutes ces guerilleras, à tous ces compañeros, à bord de la merveilleuse péniche Grande Fantaisie, ce rêve flottant de musiques et d’amitiés amarrée face au 3 quai de l’Oise, Paris 19e. Olé !

« - Bon, dit-il, me voici. »

Il tenait à la main une valise pleine de linge et dans l'autre une valise identique renfermant les quelque deux mille lettres qu'elle lui avait écrites. Elles étaient classées suivant leur date de réception, en liasses ficelées avec des rubans de couleur. Et aucune n'était ouverte. »

Gabriel Garcia Marquez, Chronique d'une mort annoncée (1981).

Une émission imaginée et animée par Richard Gaitet, réalisée par Sulivan Clabaut avec l’aide de Mathieu Boudon et Nabil Chafa. Coordination : Théo Sebald, Esteli Hernandez Ortiz. Remerciements au long cours, éternels et tourneboulants : Marc H’Limi, Mélanie Mallet, Mathilde Serrell, Bruno Delport, Rania Cherfi, Max Guiguet, Emile Omar, Michael Liot, Héloïse Delaunay, Juste Bruyat, Lucile Aussel, Malo Williams, Guillaume Girault...

Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy pour plus d'informations.

Xabi Molia : « La catastrophe, c’est aussi le temps de l’aventure »

Il a été le premier artiste à grimper à bord de notre podcast quotidien d’utopies poétiques,L’Arche de Nova, à formuler sa vision forcément trouble de l’avenir au temps du confinement, à esquisser ses doutes quant à notre envie de retour aux grandes embrassades sociales. Agrégé de lettres et professeur d’Histoire du cinéma, l’écrivain et cinéaste Xabi Molia, 42 ans, Basque de Bayonne auto-catapulté à Ménilmontant, publiera le 20 août aux éditions du Seuil son nouveau roman,Des jours sauvages, robinsonnade obligée de quatre-vingt Français échoués sur une île déserte du Pacifique, ces compatriotes ayant fui notre pays… ravagé par une épidémie de grippe inédite et foudroyante. Ciel!

Non, pas la peine de hurler à l’opportunisme: cesurvivalhumaniste était terminé en novembre dernier. «Aucun d’entre eux n’aurait dû se retrouver sur cette île inconnue, écrit Xabi Molia. (…)Ils se racontaient que le monde entier avait été contaminé et que ce serait une folie de le rejoindre. Ou bien ils craignaient d’être jugés à leur retour parce qu’ils avaient déserté. Ou juste ils trouvaient là une forme d’accord qu’en France ce qu’ils avaient appelé la vie moderne les avaient empêché d’atteindre. Ils voulaient qu’on les oublie. »

«Un confinement, ça peut durer», dit plus tard l’un des naufragés de cette île aux forêts «dédaléennes», aux troncs noirs «suintants». «Ils avaient laissé derrière eux les villes polluées et les étés caniculaires, l’argent, le travail salarié, le temps compté, le temps perdu sur internet, tous ces liens invisibles qui les empêchaient d’être heureux. La catastrophe était leur chance.» Mais pendant ces trois mois de pandémie, qu’a fabriqué l’auteur desPremiers(variation cocorico sur le mythe du super-héros, en 2017) ou d’Avant de disparaître(roman qui déjà, en 2011, peignait Paris débordée par une épidémie)? Nous avons une heure pour en parler et, comme dans les meilleurs films-catastrophes, je vous garantis un sacré rebondissement à la fin de cette émission.

Une émission imaginée et animée par Richard Gaitet, réalisée par Sulivan Clabaut. Programmation musicale: Michael Liot. Lecture finale: Sophie Marchand, d’après J. R. R. Tolkien.

Visuels:Lost, de Damon Lindelof, Carlton Cuse et J. J. Abrams (2004-2010).

Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy pour plus d'informations.

Ex-Cahiers du Cinéma : « L’intensité de la colère, symétrique à l’ardeur de l’amour »

Comment les mots viennent aux critiques? Deux membres de l’équipe démissionnaire des «Cahiersdu Cinéma », Jean-Philippe Tessé et Paola Raiman, feuillettent leur livre d’images à travers la dimension littéraire de l’exercice, à l’heure de la réouverture des salles obscures.

«Le 31 janvier, un conglomérat de producteurs et d’hommes d’affaires a achetéLes Cahiers du Cinéma.» C’est en ces termes que s’ouvrait, en mars, l’édito du rédacteur en chef, Stéphane Delorme. Parmi les actionnaires de la légendaire revue fondée en 1951, figurent désormais les producteurs des films de Jacques Audiard, de Ladj Ly, d’Arnaud Desplechin ou de Rebecca Zlotowski, ainsi que les patrons de Meetic, de Free ou BFM TV, sans oublier un ex-président d’Endemol France. Face à un tel tsunami d’intérêts, la quasi totalité de la rédaction, à l’exception de trois de ses membres, a démissionné. «Le fait même que des producteurs possèdent la revue brouillera la réception des films et créera une suspicion légitime

Les premiers communiqués des nouveaux actionnaires évoquent le désir d’une revue «chic» et «conviviale», «recentrée sur le cinéma français». Réponse de Delorme: «LesCahiersse sont toujours moqués du chic et du toc. La santé desCahiers, c’est leur virulence(…),au service de la défense d’idées, de passions et de convictions(…)toujours ouverts sur le monde. Et l’équipe a toujours été attentive au cinéma français mais sans doute ce n’était leboncinéma français.(…)Il faut recentrer les excentriques

Pour la planète cinéphile, c’est un avis de tempête. Pour moi, c’est une catastrophe semblable à la fin deMelancholiade Lars von Trier, quand l’astéroïde anéantit la cabane de fortune qui abrite Claire, Justine et l’enfant. Certains matins chantants, je n’étais pas loin de penser qu’on tenait làle meilleur journal de France, le plus rigoureux en termes de pensée, d'exigence éthique et esthétique.Chaque mois, je lisais des entretiens solides avec des cinéastes parfaitement inconnus du grand public, des discussions sans déférence avec des personnalités reconnues passé.e.s maîtres et maîtresses dans l’art si peu compris de la mise en scène, des pages et des pages d’analyses fouillées d’œuvres rares que je n’aurais jamais découvertes sans eux, des coups de projecteurs sur l’ombre des cent métiers du 7eart ou la ligne tenue des programmateurs du festival de Pétaouchnok; ainsi, bien sûr, qu’un regard sur le monde, politisé, à chaque notule ou presque, qui n’était pas dupe des violences et des fourberies de notre époque. Quant à l’écriture! Chaque phrase était soignée, imprévisible, non conforme à ce style passe-partout qui mine la presse culturelle et assèche la langue ainsi que les imaginaires. (Evidemment, c’était comme ça depuis des décennies, je le vérifierai en tombant sur toute une collection deCahiersde 1986-1987 déposée comme par magie au pied de mon immeuble.)

Signe du destin, peaufinant sa dramaturgie: le dernier numéro de l’équipe en poste depuis onze ans, leur chant du cygne, a surgi en kiosques en pleine pandémie mondiale, en avril. Titre de Une: «Qu’est-ce que la critique?», plaqué sur une photo tirée duLivre d’imagesde Godard, celle d’une mer en remous toute en nuances de bleu, au crépuscule. À l’intérieur, un dossier de trente-cinq pages sur «l’art d’aimer l’art d’aimer», à propos des rôles, des devoirs et des affects de la critique cinématographique. «Quand on aime la vie, on va au cinéma, et aimer le cinéma, c’est le défendre. Contre les agressions du marché; contre les clichés, les complaisances; contre tout ce qui abîme notre sensibilité», écrit Stéphane Delorme, encore...

Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy pour plus d'informations.

Des Esseintes, ultime esthète

Antihéros raffiné, dandy décadent, prince malade des confinés : vénéré par Gainsbourg ou Maylis de Kerangal, le reclus d'A Rebours, légendaire roman de Huysmans, prend ses quartiers sur Nova (à pas de tortue).

Hébergé par Acast. Visitez acast.com/privacy pour plus d'informations.

Every Podcast » Nova Book Box » Xabi Molia : « La catastrophe, c’est aussi le temps de l’aventure »