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Sénèque, De la vie brève, chapitre 16

2m · Arts Po : Ubi Sunt ? · 23 Apr 07:00

Mais combien courte et inquiète est la vie de ceux qui oublient le passéNégligent le présentEt craignent l’avenirAu moment ultime les malheureux comprennentTrop tardCombien ils ont été longtemps occupés à ne rien faireEt n’allez pas conclure que leur vie soit longueDe ce qu’ils invoquent parfois lamortLa folie les agite de passions désordonnéesqui les précipitent précisément vers ce qu’ils craignentAussi ne désirent-ils souvent la mort que parce qu’ils en ont peur Et ne regardez pas non plusPour preuve qu’ils vivent longtempsQue le jour souvent leur paraît longEt qu’en attendant le moment fixé pour le souperils se plaignent de la lenteurdes heurescar si par hasard leurs activités les délaissentilssont accablés du temps libre qu’elles leurs donnent Ils ne savent ni en faire usageNi comment s’en déchargerAussi se cherchent-ils une occupation quelconqueet dans l’intervalle toute durée leur pèseCela est si vrai que si un jour a été annoncé pour un combat de gladiateursou si la date de tout autre spectacle ou de divertissement est attendueIls voudraient sauter tous les jours intermédiairesDès qu’il attendent tout délai est trop longMais le moment après lequel ils soupirent est court et fugitifet leur amour le rend plus bref encored’un objet ils passent déjà à un autreIls ne peuvent se fixer en un seul désirPour eux les journées ne sont pas longues mais détestablesEt au contraire combien les nuits leur paraissent courtesQue leurs orgiesrapetissentEt leurs orgies beaucoup trop éphémères Aussi les poètesdont la folie attise avec des inventions les divagations des hommesOnt-ils imaginé un JupiterIvre des délices d’une nuit adultèreEn doubler la durée N’est-ce pas enflammer nos défauts que de les attribuer aux DieuxEt de donner pour excuse à nos désirs l’exemple des excès des Dieux ?Pourraient-elles ne pas leur paraître courtes ces nuits que ces dissolus achètent si cher? Ils perdent le jour dans l’attente de la nuitet la nuit dans la crainte du jour

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Sénèque, De la vie brève, chapitre 20 (& fin)

La condition de tous les gens affairés est malheureuseEt plus malheureuse encore celle de ceux qui travaillentaux occupations d’un autreDormant au sommeil d’un autreMarchant au pas d’un autreAimerDétesterLes plus libres des affectionsSont pour eux des obéissances S’ils veulent savoir ceux-là combien leur vie est courteQu’ils pensent à la portion d’existence qui leur revientVous pouvez les avoir souvent vus revêtus de la robe des maîtresVu leur nom célébré sur le forumN’en soyez pas jalouxIls ont damné leur vie pour celaPour la satisfaction d’attacher leur nom à une annéeIls auront usé toutes les autres Quelques uns brûlants d’ambition y laissent dès les premières luttesTout leur tempsD’autresQui sont parvenus à force d’indignitésAux plus grands honneurs sont saisis de la misérable pensée qu’ils n’ont travailléQue pour un titre sur une tombeEt puis il y a un tel vieux décrépitPris de nouveaux espoirs qui ne conviennent qu’à la jeunesseQui succombe de faiblesseAu milieu de grands et d’improbables efforts Honteux ce vieillard quiDans d’obscurs plaidoyersLâche son dernier souffleDevant un auditoire ignorant dont il mendiait l’admiration Honte à celui quiLassé de vivre plutôt que de travaillerS’effondre au milieu de son métier Honte à quiEn pleine agonieS’obstine à surveiller ses comptesEt devient la risée d’un héritier qu’il a longtemps fait attendre Je ne peux taire ici un exemple qui se présente à mon esprit:Turannius était un vieillard actif et diligentA 90 ans passés ayant reçu de CaligulaSans la demanderSa mise à la retraiteIl se mit au litEt voulut que sa famille l’entourâtEt le pleurâtComme s’il était mortEt tous ses gens s’affligeaient pour le vieux maître condamné au reposEt les lamentations ne cessèrent que lorsqu’il fut rendu à ses fonctionsEst-il donc si doux de mourir occupé ? Nous sommes presque tous faits pareilsLa passion du travail survit au pouvoir de travaillerOn lutte contre la faiblesse du corpset la vieillesse ne parait fâcheuse que parce qu’elle éloigne des affairesLa loi dispense à 50 ans de porter les armesà 60 ans de siéger au SénatEh bien les hommes ont plus de peine à obtenir le repos d’eux-mêmes que de la loi Et tandis qu’ils sont entraînés et entraînent les autresQu’ils s’arrachent au calme les uns les autresQu’ils se rendent mutuellement malheureuxLa vie passe sans fruitSans plaisirSans aucun profit pour l’âme Pas un ne met la mort en perspectivePas un qui ne porte au loin ses espérancesQuelques-uns même règlentPour le temps où ils ne seront plusLa construction de vastes tombeauxLes monuments publics à dédicacer à leur nomTout l’attirail d’orgueil enfin de magnifiques obsèquesLorsqueLeurs funérailles devraient se tenir comme s’ils avaient très peu vécuEt se faire à la maigre lueurdes torcheset de ces chandelles qu’on destine aux enfants

Sénèque, De la vie brève, chapitre 19

Cherchez donc un refuge dans des occupationsplus tranquillesplus sûresplus hautes. Vos soins à ce que les arrivages du blé s’effectuent sans fraude ni négligencePour qu’il soit soigneusement emmagasiné dans les greniersde peur qu’il tourne et se gâte par l’humiditéPour que la mesure et le poids s’y retrouventPensez-vous que ces soins puissent être comparés à ces études sublimes et sacrées qui vous vont vous révéler la nature des dieuxleurs plaisirsleur conditionleur formeQui vous feront connaître le sort qui attend notre âmeEt le lieu où nous placera la nature une fois démunis de notre corpsEt quelle puissance soutient au milieu de l’espaceles éléments les plus lourdsSuspend au-dessus les plus légersEt vient placer le feu au sommet de la sphèreLançant les étoiles sur leur cheminProduisant tellement de phénomènes emplis de merveilles? Voulez-vous vous élever en esprit jusque là?Maintenant votre sang est encore chaudEt vous êtes dans la force de l’âgedirigez-vous vers ces objets dignes de votre préférence. Ce qui vous attend dans ce genre de vieCe sont de des sciences diverses et généreusesL’amour et la pratique de la vertul’oubli des passionsl’art de vivre et de mourirle calme inaltérableDes grandes choses

Sénèque, De la vie brève, chapitre 18

Ecartez-vous donc de la fouleTrès cher Paulinuset après que vous avez été lancé dans l’espace de votre vieQu’un port plus tranquille vous recueille enfin Songez à combien de fois vous avez bravé les flotsCombien vous avez supporté de tempêtes privéesOu quand elles étaient publiques combien de tourmentes vous avez pris sur vousVotre vertu s’est suffisamment montrée dans le travail et l’anxiétéFaites l’expérience de ce qu’elle peut faire dans le reposEt si la plus grande et meilleure part de vos jours a été consacrée aux choses publiquesGardez-en aussi un peu pour vous Ce n’est pas vous inviter à un repos fait d’inertie ou de négligenceCe n’est ni dans le sommeilni dans les plaisirs adorés de la foule que je veux plongerCe qu’il y a en vous de vivacité d’âmeVous n’allez pas vous reposerVous allez trouver des affaires plus grandes encoreque tout ce que vous avez eu à faire jusque iciEt qui seront à traiter loin des tracas et des soucis Vous administrez les revenus de l’universavec le désintéressement qu’exigent les revenus d’autruiEt avec autant de zèle que si c’étaient les vôtresAussi religieusement que si c’étaient ceux de l’EtatVous savez attirer l’affectiondans une position où il est difficile d’éviter la rancœurEt pourtantCroyez-moimieux vaut s’occuper à régler les comptes de sa vieque ceux des comptes publics Cette force d’espritcapable des plus grandes chosesCessez de la consacrer à un ministèrehonorable sans doutemais peu apte à rendre une vie heureuse(appliquez-la désormais à vous-même)Et songez que si vous vous êtes dévoué assidûmentdepuis l’enfanceA de nobles étudesCe n’était pas pour devenir le gardien fidèleDe plusieurs milliers de mesures de bléVous promettiez de plus grandes et de plus hautes espérances On ne manque pas d’hommes qui joignentau goût du travail une intégrité scrupuleuseParce qu’elle est lente la bête de somme est plus à mêmede porter un fardeau que des chevaux de raceQui oserait ralentir une vive et généreuse allure sous une lourde charge? Imaginez en plus combien de soins entraîne cette responsabilitéC’est à l’estomac de l’homme que vous avez à faireUn peuple affamé n’entend pas raisonEt l’équité ne saurait ni le calmerni les prières le fléchir Il y a peuDans les quelques jours qui suivirent immédiatement la mort du César CaligulaEt si jamais on puisse conserver aux Enfers un sentimentCombien il devait regretter de laisser le peuple romain lui survivreIl ne restait de subsistances que pour 7 ou 8 joursEt tandis qu’il construisait des ponts en assemblant des naviresEt qu’il se faisait un jouet des puissances de l’EmpireNous étions proches de subir le dernier des malheursLe même que pour des assiégésLa famineLa famine et la ruine de toutes chosesQui en est la conséquence Voilà ce que coûtaitCette imitation malheureuse et superbeD’un roi fou et étranger Dans quelle situation d’esprit durent être les magistrats chargés des approvisionnements publics!Menacés par le fer des pierres ou du feuPar Caligula mêmeIls prirent grand soin de dissimuler le mal qui couvait C’était agir sagementIl y a des malades qu’il faut soigner en les tenant dans l’ignorance de leur malBeaucoup sont morts de l’avoir connu

Sénèque, De la vie brève, chapitre 17

Leurs plaisirs mêmes sont anxieuxLes gens affairés sont remplis de mille appréhensionsEt au milieu de leur joie surgit chaque fois cette pensée inopportune:Combien de temps cela va-t-il durer?Maigre réflexion qui a souvent fait gémir sur leur puissance les roismoins enchantés par leur grandeur présentequ’épouvantés par l’idée de la perdre un jour Lorsque dans des plaines immenses il déployait son arméeSi nombreuse que ne pouvant en faire le compteil la mesurait par l’étendue du terrain qu’elle couvraitL’orgueilleux Roi des Perses fondit en larmesen songeant que de tant de milliers d’hommes à la fleur de l’âgeaucun n’existerait plus dans cent ansMais lui Xerxèsqui les pleurait ainsices mêmes hommesil allait dans un temps très court les faire tuerSoit sur terre soit sur merOu dans le combat ou dans la fuiteEt détruire tant d’existences pour lesquelles il redoutait la centième année Pourquoi leurs joies mêmes sont-elles si inquiètes?C’est qu’elles ne reposent pas sur des bases solidesEt la même légèreté qui les a fait naîtreles désorienteQue doivent être les moments malheureux de leur vieComme ils les appellent eux-mêmesSi ceux dont ils sont si fiers et qui paraissent les élever au-dessus des autressont si emmêlés ? Les meilleures choses n’épargnent pas les soins qu’on leur donneEt la chance la plus grande est celle à qui l’on doit moins se fierLe bonheur pour s’affermir a besoin du bonheurEt pour les vœux exaucés il faut faire d’autres vœuxTout ce que le hasard vous donne est peu stablePlus il vous élèvePlus haut il vous pend Personne n’aime ce qui peut tomberAussi est-elle non seulement très courtemais aussi très malheureusela vie de ceux qui se procurent à grande peinece qu’ils ne peuvent conserver qu’avec des peinesplus grandes encoreIls obtiennent difficilement ce qu’ils désirentEt possèdent avec inquiétude ce qu’ils ont obtenu En attendantA ne tenir plus aucun compte d’un temps qui ne reviendra plusA d’anciennes activités ils en substituent de nouvellesUne espérance accomplie en demande une autreEt l’ambition appelle l’ambitionOn ne cherche pas la fin de ses peinesOn en change seulement l’objetS’est-on obsédé de parvenir aux honneursOn perd plus de temps encore aux fins d’y faire arriver les autres CandidatsUne fois parvenus à la fin de nos menéesNous commençons à quémander pour un autreAvons-nous déposé la fâcheuse fonction d’AccusateurNous aspirons à celle de JugeA-t-on cessé d’être JugeOn cherche la QuestureA-t-on vieilli à gérer en mercenaire la richesse d’un autreMaintenant gérer la sienne absorbe tout entier Marius abandonne-t-il le costume de soldat?C’est pour devenir ConsulQuintius veut-il vite se défaire de la charge de dictateur?On l’arrache bien vite à ses charrues et à ses champsScipion marche contre les CarthaginoisTrop jeune pour une si grande actionVainqueur d’HannibalVainqueur d’AntiochosIl brille durant son ConsulatIl assure celui de son frèreOn l’aurait placé aux côtés de JupiterS’il ne s’en était défenduPlus tard des factieux ne l’en poursuivront pas moinsEt celui dont les jours de jeunesse avaient été tellement honorésSe contentera de mettre dans l’exil à vie l’ambition de ses vieux jours Jamais ne vous manquerontdans le bonheur ou dans l’infortuneLes soins et les soucisEt cet affairement vous interdiraLe repos toujours désiréEt jamais obtenu

Sénèque, De la vie brève, chapitre 16

Mais combien courte et inquiète est la vie de ceux qui oublient le passéNégligent le présentEt craignent l’avenirAu moment ultime les malheureux comprennentTrop tardCombien ils ont été longtemps occupés à ne rien faireEt n’allez pas conclure que leur vie soit longueDe ce qu’ils invoquent parfois lamortLa folie les agite de passions désordonnéesqui les précipitent précisément vers ce qu’ils craignentAussi ne désirent-ils souvent la mort que parce qu’ils en ont peur Et ne regardez pas non plusPour preuve qu’ils vivent longtempsQue le jour souvent leur paraît longEt qu’en attendant le moment fixé pour le souperils se plaignent de la lenteurdes heurescar si par hasard leurs activités les délaissentilssont accablés du temps libre qu’elles leurs donnent Ils ne savent ni en faire usageNi comment s’en déchargerAussi se cherchent-ils une occupation quelconqueet dans l’intervalle toute durée leur pèseCela est si vrai que si un jour a été annoncé pour un combat de gladiateursou si la date de tout autre spectacle ou de divertissement est attendueIls voudraient sauter tous les jours intermédiairesDès qu’il attendent tout délai est trop longMais le moment après lequel ils soupirent est court et fugitifet leur amour le rend plus bref encored’un objet ils passent déjà à un autreIls ne peuvent se fixer en un seul désirPour eux les journées ne sont pas longues mais détestablesEt au contraire combien les nuits leur paraissent courtesQue leurs orgiesrapetissentEt leurs orgies beaucoup trop éphémères Aussi les poètesdont la folie attise avec des inventions les divagations des hommesOnt-ils imaginé un JupiterIvre des délices d’une nuit adultèreEn doubler la durée N’est-ce pas enflammer nos défauts que de les attribuer aux DieuxEt de donner pour excuse à nos désirs l’exemple des excès des Dieux ?Pourraient-elles ne pas leur paraître courtes ces nuits que ces dissolus achètent si cher? Ils perdent le jour dans l’attente de la nuitet la nuit dans la crainte du jour

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