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Avec JL’O Design de Juliette Ouedraogo, tout est dans le détail

5m · 100 % création · 23 Mar 23:27

À Lomé, le Togocom Fimo 228, le Festival international de la mode au Togo, vient d’achever sa onzième édition. Porté par le créateur Jacques Logoh, ce festival est dédié aux talents d'Afrique, de sa diaspora et internationaux. Nous y avons rencontré Juliette Ouedraogo, styliste du Burkina Faso qui avec sa marque JL’O Design est devenue une référence dans le milieu de la mode de son pays. La créatrice transforme les tissus en œuvres d'art portées par des personnes du monde entier.

Je ne sais pas ce que je ferais si un jour j'arrêtais de travailler dans la mode, par exemple si je prenais une retraite anticipée. Je ne sais pas ce que je ferais. J'ai besoin de cela.

Juliette Ouedraogo, styliste et créatrice de JL’O Design.

« Premièrement, cela s'appelait le design de la vie. Ensuite, cela s'est transformé en JL’O Design parce que je voulais vraiment faire une marque qui porte mon nom, avec les initiales de mon nom.»

Originaire du Burkina Faso, Juliette Ouedraogo suit un cursus scientifique avec un baccalauréat option sciences biologie, mais sa passion, c’est déjà la mode. Elle bataille très fort avec son père pour qu’il accepte qu’elle s’oriente vers des études de mode. Elle arrive à Lyon où son apprentissage est intense, trois ans d’études où elle fusionne les cours de modélisme et ceux de stylisme.

Après l’obtention de son diplôme, elle enchaîne une autre formation sélective sur Paris, un Master en créateur couture. Elle rentre au Burkina Faso après une absence de six ans, et se lance dans l’industrie de la mode. Elle crée sa marque JL’O Design en 2012, en lui donnant un ADN très reconnaissable.

« Je travaille à respecter le corps de la femme, pour lui donner une certaine aisance dans le vêtement. Beaucoup de femmes, quand elles commencent à porter mes vêtements, elles se sentent beaucoup plus attirantes. Elles disent “Ah oui, quand j'arrive quelque part, j'ai confiance en moi.” Elles arrivent à avoir de l'amour pour elles-mêmes et à partir de cet amour qu'elles ont pour elles-mêmes, quand elles se voient dans le miroir, elles arrivent aussi à transmettre de l'amour, de la confiance et de la bonne humeur. »

« Je travaille vraiment sur le détail, par exemple sur ce chemisier-là, que je porte le détail du col. C'est quelque chose qui ne se fait pas tout le temps, surtout en Afrique. C'est un sourcing que j'ai fait jusqu'à Taïwan pour le ramener au Burkina pour des chemisiers mixés avec des motifs africains. Mes vêtements, quand les gens les voient dans la rue: “Ah oui, c'est du JL’O Design. C'est le détail qui m'a attiré”. Je suis prête à parcourir le monde pour aller chercher des petits accessoires qui vont justement faire la différence. »

Métissage culturel

Avec sa marque, Juliette Ouedraogo conçoit des collections pour homme, femme et enfant, mais ce qui attire surtout cette styliste burkinabè, c’est le métissage culturel et la réalisation d’une mode sans frontières et sans limites.

« La mode n'a pas de frontière. L'inspiration n'a pas de frontière. Quand j'étais étudiante, j'ai travaillé avec beaucoup de bureaux de style et j'ai parcouru beaucoup de salons. J'ai toujours été inspirée par les chasseurs de tendances qui parcourent le monde entier à la recherche souvent de petits détails pour annoncer une collection qui va se faire dans trois, quatre ans. »

« Je me dis qu'il n'y a pas à se limiter en se disant que je viens du Burkina Faso, il faut que je travaille uniquement le coco Dina, le pagne tissé. Demain, je peux travailler, par exemple, le Kente ou faire une collection purement japonaise. Je me dis que je n'ai pas le droit de me limiter parce que la mode n'a pas de frontières. Je respecte quand même un certain style que les gens arrivent à reconnaître. »

Pour le Togocom Fimo228 et sa 11e édition, Juliette Ouedraogo a présenté une collection intitulée Doll, un hommage aux femmes des temps modernes.

« C’est une collection de la femme poupée. La femme poupée et en même temps la femme active qui a ce côté combatif. Et en même temps, elle a envie d'avoir ce côté bébé, ce côté poupée, elle a envie d’être cajolée un peu, elle a envie que quand elle rentre le soir avec son sac à main, de retrouver une certaine douceur, de se retrouver dans des vêtements plus soyeux, vaporeux, douillets. »

« Parce que quand elle va en réunion, quand elle est sur le terrain, elle ne peut pas se permettre de mettre des vêtements avec des strass, des petites plumes! Non. Sur ces vêtements, c'est une combinaison de deux univers, et en même temps, je profite de cette collection pour mettre en valeur le coco Dina du Burkina Faso. C'est une matière tissée par valeureuses femmes et je profite de mettre ces matières en valeur avec l'ajout de la couleur rose. »

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The episode Avec JL’O Design de Juliette Ouedraogo, tout est dans le détail from the podcast 100 % création has a duration of 5:51. It was first published 23 Mar 23:27. The cover art and the content belong to their respective owners.

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La veste en jean, une production raisonnable pour la planète d’Alexandra Latour

Alexandra Latour, styliste de broderie et créatrice de la Veste en jean. Avec sa jeune marque française, elle revisite une pièce iconique de nos vestiaires: la veste en jean. Pour cela, Alexandra Latour récupère d’anciens pantalons en denim, les découpent et les recomposent en fonction de la trame du textile et de ses couleurs. Ses créations de veste sont uniques, réinterprétées et sublimées grâce à la broderie, des collections originales tout en faisant du bien à la planète.

« Il n'y a pas de limite en broderie, c'est juste impressionnant. Nous pouvons tout nous permettre, tout peut se broder à partir du moment où nous pouvons fixer la matière, nous arrivons à broder. Nous pouvons broder de la nacre, des perles, des paillettes, toutes sortes de choses. Nous pouvons. Il n'y a pas de limites », raconte Alexandra Latour, styliste de broderie et créatrice de la Veste en jean.

«J'ai beaucoup aimé la petite robe noire et je me suis dit: "la veste en jean", tout simplement.» Alexandra Latour commence son parcours en architecture d’intérieur, en scénographie après avoir étudié à l’école Boulle à Paris, une école en arts appliqués. Après sa licence d’arts plastiques, elle exerce dans un bureau de style pendant deux ans. À 25 ans, elle se met à son compte et monte son atelier de broderie. Elle travaille en dessin et techniques de broderie pour la maison Lesage et d’autres maisons de haute couture. Et en 2020, elle lance sa marque la Veste en jean. Alexandra Latour est à la fois artiste, artisan d’art et entrepreneuse. Son atelier de broderie et sa marque la veste en jean grandissent ensemble.

«Cela faisait plusieurs années que je me disais "j'aimerais bien créer une marque", parce que vendre de la broderie à une clientèle de proximité, ce n'était pas possible par des échantillons. Nous travaillons plus pour de la haute couture, du prêt-à-porter et je trouvais cela intéressant de développer une marque. Cela nous permettait de broder. Quel textile utiliser? Une matière qui est polluante à sa fabrication: le jean.»

«Je suis passionnée par le jean »

«Je suis passionnée par le jean donc, du coup, je trouvais évident de créer une marque qui soit écoresponsable. À défaut d'utiliser des rouleaux, autant récupérer des jeans qui étaient destinés à être jetés et de les ennoblir par la broderie. Donc, nous utilisons un savoir-faire pour ennoblir notre matière principale.»

Alexandra Latour récupère des jeans usagés pour leur donner une seconde vie et les transformer en vestes uniques et brodés. Des partenariats lui permettent d’avoirune démarche écoresponsable. «Emmaüs à Trappes nous suit depuis maintenant trois ans. Ils nous vendent les jeans au poids. Nous venons sourcer la matière en amont, c'est-à-dire ils nous font une présélection de ce qu'ils vont mettre en vente, par exemple les jeans qui ne peuvent pas être vendus, qui sont troués. Nous sélectionnons la matière pour qu'elle soit 100% coton sans élasthanne et nous l'achetons au poids. Ce sourcing de matières, je ne dirais pas tout le temps, mais par moment, c'est problématique. C'est-à-dire que si nous avions plus d'Emmaüs qui pourraient nous suivre et si nous avions un espace de stockage plus important, ce problème n'existerait pas.»

«Notre problématique, pour le moment, c'est un espace qui est trop restreint pour à la fois travailler et stocker, toutes ces matières. Il y en a à profusion. Mais il faut avoir tout le process: sélectionner, nettoyer les jeans et après les stocker. Pour le moment, c'est plus la deuxième étape qui est problématique. Récupérer les matières, non, ce n'est pas du tout problématique. Et cela pourrait se faire à plus grande échelle. »

Le jean est une matière abondante et permet debroder les pièces reconstituées sur la base de pantalons en denim recyclés. Après la matière, il y a le choix de la thématique, des teintes du denim et le dessin avant de passe à la réalisation de la veste.

«Parfois, il y a des teintures particulières. Le denim a une multitude de teintes qui est assez impressionnante, des dégradés de bleu, des bleus qui sont plus rouges, des bleus qui sont plus verts ou plus grisonnants. Pour la collection, je pars toujours d'un dessin, mais parfois, je sors certains dessins sur d'autres périodes de collections pour un défilé. Je reste sur une thématique. La dernière fois, nous avons collaboré avec des artistes. Nous avons fait une veste étoile qui est assez exubérante, je dirais assez atypique. Nous avions ce qu'il fallait en matière.»

«Nous commençons à sourcer aussi des matières de cuir, des chutes de cuir avec des personnes qui travaillent dans l'ameublement, il y a des chutes assez intéressantes. Nous associons aussi le jeans et le cuir. Il y a toujours un croquis à la base, c'est quand même de l'artisanat d'art puisque nous brodons. La broderie, c'est énormément de temps. Nous ne pouvons pas nous permettre de partir à l'aveugle.»

Alexandra Latour a créé un atelier de broderie et une marque avec l’objectif de réduire, le plus possible, son impact sur l’environnement. «Pendant les périodes de collection, il y a énormément de réalisations qui sont faites à l'étranger. L'idée, c'était de créer un nouvel atelier qui soit à proximité des maisons de couture. Et quand j'ai créé la veste en jean, c'était avec l'idée de résoudre un soupçon de problème sur cette thématique de denim qui est très polluant à sa fabrication. C'était d'apporter une technique, un savoir-faire à proximité. C'est de pouvoir travailler en circuits courts, de réutiliser une matière qui était initialement vouée à être un déchet.»

«Les personnes qui m'accompagnent au sein de l'atelier sont soit formées en couture ou en broderie, parfois les deux. Nous sommes une équipe de quatre personnes. C'est aussi des valeurs que j'essaye de leur transmettre: montrer que c'est possible de travailler avec justement d'autres matières que de dérouler un simple rouleau sur une table pour pouvoir broder.»

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Gilles d’Almeida et la touche d’élégance du perlage de G-Style

Kokou Gilles d’Almeida Elessessi, plus connu comme Gilles d’Almeida est un styliste togolais. En 2022, il lance sa marque G-Style et ouvre un atelier en 2023 à Lomé. Ce jeune créateur se lance dans la mode avec un objectif : la mise en valeur du perlage. Cette technique artisanale Gilles d’Almeida l’utilise pour créer ou rehausser les motifs du tissu. Perles, sequins, paillettes embellissent alors les collections de G-Style, des pièces uniques pour femmes et hommes.

La créativité, dans toutes mes confections, c'est moi, parce que je ne peux pas la mettre à l'écart. Il faut mettre de la particularité dans chaque tenue. La création, c'est m'investir totalement.

Kokou Gilles d’Almeida Elessessi, styliste togolais, jeune talent de G-Style.

« Les amis, les connaissances m'appelaient déjà G à cause de Gilles et quand je leur ai dit que je commençais ma formation en stylisme, ils se sont dit : "ajoute un "style" ou un "fashion" !" Je suis allé avec le "style". "G-Style", c'est plus cool. Et le nom est resté comme cela. Mais le G était toujours là, imposé par les amis et les connaissances. »

Né à Lomé, Kokou Gilles d’Almeida Elessessi, plus connu comme Gilles D’Almeida a fait tout son parcours scolaire dans la capitale du Togo. En 2017, à la fin de son cursus universitaire en communication des organisations. Il s’offre une année de césure, une année pour réfléchir à son avenir. Cet amoureux du vêtement, de la mode et du style, après cette réflexion, se lance dans une formation de styliste sur trois ans. À la fin de son apprentissage, un accidentavec une longue opération et plus d’un an et demi de rééducation le coupe dans son élan. Mais en 2022, il lance sa marque G-Style. Il confectionne des vêtements sur mesure à la main en sélectionnant avec soin les tissus. «Souvent, j'ai tendance à trouver des tissus de stock limité qui font la particularité de la collection. J'accentue aussi beaucoup sur les pagnes, sur les motifs et sur le perlage, ce qui permet de faire ressortir vraiment le motif qui est dans le pagne. Parfois les clientes amènent le pagne ou d'autres me font confiance et me demandent de choisir le pagne ou le tissu pour elles. Je travaille surtout avec la dentelle, peu importe la texture, de la soie, du lin et aussi une variété de satin

La difficulté n’arrête pas ce jeune talent, il crée des pièces uniques avec de la dentelle, de la soie ou du satin et pour que le rendu soit élégant et luxueux, il applique la technique du perlage. «Perles, sequins, paillettes. Il y a les pierres de différentes tailles que je colle, surtout pour les robes de mariage. Pour les tissus unis, il y a des parties vraiment spécifiques, cela dépend de la coupe de l'habit. Il faut choisir un endroit particulier où mettre le perlage pour qu'il soit visible. Mais pour les tenues à motifs et autres, forcément, j'accentue sur le motif. Parce que quand vous avez un tissu, un pagne devant vous, il s'agit de voir, d’imaginer, parfois. Je peux voir le tissu et ne pas le couper sur le coup, mais pendant la nuit, j’y pense, je réfléchis, parfois j’en rêve même et cela m’inspire. Je peux faire un dessin, faire le tracé sur le tissu. Après la mise en forme de la tenue, je fais le tracé pour le perlage, je sélectionne les différentes formes de perles et je commence le perlage petit à petit. Parfois, je peux défaire pour recommencer parce que j’ai raté un petit détail.»

Gilles d’Almeida, aujourd’hui dans son atelier, transmet déjà à ses deux apprenties sa technique du perlage, celle qu’il a apprise au cours de sa formation et qu’il a perfectionné. «Il y a la technique de perlage qui diffère. Je m'en vais dire que je n'ai pas vraiment de nom, pour ces différentes techniques là, mais peut-être je vais les nommer, cela deviendra une création. Mais chaque perlage sur chaque tissu a une technique différente, des points de couture différents. »

«Certaines peuvent être faites sur mannequin, mais pour d’autres il va falloir carrément mettre l’habit sur une table, le tenir avec la main et le faire petit à petit. Au piqué, il faut faire assez attention, surtout pour les matières très sensibles pour celles-là, je m'y mets moi-même parce que je sais le rendu que je veux. Par exemple, la soie, il ne faut pas forcément la renforcer, mais il faut choisir un fil adapté pour que cela ne s'effiloche pas tout en tenant. Pour le pagne qui est un tissu plus rigide, je peux mettre des perles qui sont un peu plus lourdes, un peu plus grosses, et accentuer le perlage à certains niveaux parce que là, je suis sûr que le pagne va tenir. »

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Aurélia Westray, la discipline de la poésie, en couleurs et en feutre de laine

Aurélia Westray adopte le feutre de laine, un textile non-tissé pour ses œuvres mais elle le modernise. Ce textile Aurélia Westray le met à l’épreuve en le mélangeant à d’autres matériaux et en y ajoutant des couleurs. Cette feutrière et créatrice d’objets textiles réalise ainsi des jeux de volumes ou de graphisme dans ses pièces uniques. Aurélia Westray trouve son inspiration en étant à l’écoute de ses sensations, lors de ses balades dans la nature.

Elle se lance des défis qui se manifestent dans les objets textiles qu’elle confectionne. Coussins, plaids ou tableaux de laine, ils subliment les intérieurs.

La création, c'est mon échappatoire. C'est une façon de me dire, de me faire plaisir, d'être aussi alignée avec moi-même. La création est partout. Nous sommes tous créatifs. Je pense que c'est en moi et que je ne pourrais pas vivre sans la création. C'est vraiment quelque chose qui m'anime chaque jour.

–Aurélia Westray, feutrière et créatrice textile de la marque Accords Feutrés.

« J'avais du mal à mettre mon nom sur mon travail parce que peut-être que je ne me sentais pas assez légitime ou pas assez experte. Avec les Accords Feutrés, puisque c'est au pluriel, il y avait cette idée de couleur, un accord de couleur. Cela me paraissait évident que je devais mettre le mot feutrer puisqu'en habillant de textile, nous allons, comme dans votre studio, rendre l'espace très doux, très confortable. C'est un peu cela aussi Accords Feutrés: se mettre dans un cocon de feutre, dans des accords de couleurs. »

Aurélia Westray, est née à Marseille, dans le sud de la France, à partir de six ans, elle vit à Évian-les-Bains, au bord du Lac Léman, à l’est de Genève en Suisse. Après un baccalauréat en arts appliqués, puis un BTS plasticien d’environnement architectural, elle enseigne les arts appliqués. Sur son temps personnel, elle peint et s’exprime à travers plusieurs médiums, mais il y a une quinzaine d’années, le besoin de créer est devenu plus intense et c’est une révélation quand elle rencontre le feutre de laine.

« Je travaille cette matière avec la main, avec le corps, avec les yeux », relate la créatrice. « J'ai eu une sorte de passion soudaine et finalement trouvé le matériau que je recherchais quand j'étais étudiante, c'est-à-dire peindre avec le textile. Alors, je me suis mise chez moi, dans ma cuisine, à faire des expériences. L'expérience était plutôt concluante. J'ai voulu me former pour développer cette activité de façon professionnelle etj'ai donc été formée au centre Lainamac, à Felletin, à Aubusson, dans la Creuse,où j'ai pu côtoyer des feutrières de renom. Feutrières, c'est un métier peu répandu parce qu'il est très peu connu. Mais là, j'ai pu vraiment faire mes armes et découvrir des techniques assez fabuleuses sur ce matériau. »

Aurélia Westray aujourd’hui installée à Lyon, travaille des laines locales. En 2019, elle lance sa marque Accords Feutrés, plaids, coussins ou tentures murales, ses objets textiles revisitent la laine feutrée.

«Moi, ce que j'essaye de donner à la laine feutrée, qui manque un peu, c'est ce côté un peu contemporain. Nous associons souvent cette matière aux beatniks, une matière qui gratte, qui n'est pas forcément noble, qui est plutôt mate. Moi, j'essaye de lui donner un côté luxueux, un côté brillant et aussi une sorte de raffinement. Parce que la laine a quelque chose de brut, elle peut être très grossière et je vais rehausser par mes tableaux de graphismes, de fibres de soie, de textile, de soieries lyonnaise, pour lui donner à la fois cet aspect luxueux, unique et aussi un aspect plus graphique, plus contemporain, en travaillant la ligne. »

« Il n'y a pas spécialement d'outils, à part avoir une table qui soit assez grande, des outils qui vont permettre d'enrouler le feutre, donc les superpositions de couches de laine dans une natte. J'ai besoin de très peu de choses, de l'eau de savon. Après, cela va être les techniques plus spécifiques que j'ai acquises justement dans ces formations où nous allons plutôt faire de la dentelle. Travailler en unies couches, cela veut dire qu'il faut un doigté, une façon de poser la laine bien particulière. Il n'y a pas d'outil particulier, c'est plus un process de création qu'il faut mettre en place et qui va donner des formes en volume, en creux, en réserve. »

Aurélia Westray a développé un univers autour du feutre artisanal en faisant intervenir la couleur.

«Mes mèches de laine sont sur ma table de travail. C'est comme une palette. J'ai des rouges, des jaunes, des bruns. Je vais les positionner sur mon plan de travail. Au départ, j'ai une laine française, je travaille avec des éleveurs locaux ou des éleveurs qui sont autour de la région lyonnaise. Je vais d'abord déposer une couche de blanc comme une feuille de papier blanc, je vais mettre ma laine blanche et ensuite, je vais appliquer de la couleur en dégradé, en motifs, à la manière d'un peintre qui mettrait des touches de couleur sur son support, sur sa toile. »

Pour concevoir ses pièces textiles, Aurélia Westray, pose d’abord les fibres de laine, organise les dégradés de couleurs, et passe ensuite au feutrage. Une technique à la fois maitrisée et incertaine sans correctifs possible.

«Quand je vais superposer ces fibres, même si j'ai connaissance de ce que cela va donner, même si je sais que certains textiles réagissent d'une certaine manière, il y a quand même toujours un peu de tension de se dire “est-ce que j'ai travaillé à la bonne échelle ? Est-ce que les couleurs contrastent bien entre elles ? Est-ce que j'ai bien obtenu le graphisme que je souhaitais ?“ Il y a une part de maîtrise et une part d'aléatoire. Et souvent, je ne peux pas revenir dessus. Il faut aussi accepter l'imperfection ou parfois accepter que ce ne soit pas exactement ce que j'avais imaginé. »

Peindre avec le feutre de laine Aurélia Westray, le fait en suivant son instinct, en faisant émerger l’idée et surtout en acceptant cette latence créative.

«Je vais me replonger dans des odeurs, des couleurs, des sensations physiques et je vais me mettre en gestation dans mon esprit, ces sensations. Ensuite, je vais coucher sur le papier quelques esquisses qui vont me permettre un peu de définir les couleurs, l'atmosphère colorée que je souhaite obtenir », expliqueAurélia Westray.« Il y a une sorte de maturation, où je vais la nuit, le soir, le matin, réfléchir comment je vais mettre en œuvre si je mets du volume. Et puis, je ne sais pas, un jour, il y a une sorte d'élan où c'est le jour où tout est en place dans ma tête sur les croquis et je vais me lancer sur une œuvre. C'est assez rapide quand même. C'est une sorte de jet. Je sens cette énergie, cette spontanéité, cela a été un jet comme cela qui était pensé. Pour les commandes, c'est un peu différent. Les commandes, souvent les clients, puisque c'est très personnalisé, m'envoie des photos. Là, je suis en train de travailler justement sur une thématique de l'île de la Réunion. Les personnes m'ont envoyé des photos de leur intérieur, de l'image sur laquelle ils aimeraient que je travaille et je vais proposer une sorte de stylisation ou une impression de ce que ce paysage m'inspire. »

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ÊKÔ, le plissage, un artisanat d’art sans limite pour Sarah Saint-Pol

ÊKÔ, dont Sarah Saint-Pol est la fondatrice, est à la fois une Maison d'Art Porté,une marque de vêtements et accessoires inspirés de l'origami et réalisés grâce à un savoir-faire d'exception : le plissage artisanal. Mais c’est aussi un bureau d’études à destination des professionnels du secteur de la mode, du design ou de la scénographie. Sarah Saint-Pol déploie la technique du plissage sans limite de matières.

Un créateur ou artisan, en général, crée tout le temps. Chaque moment de la vie, même de la vie privée, va nous donner une idée pour un autre projet. Et c’est toujours quelque part dans notre tête.

– Sarah Saint-Pol, designer et fondatrice d’ÊKÔ

« Comme je travaille beaucoup sur les savoir-faire français, je me suis dit: "Il faut un nom à la fois français qui évoque un peu le Japon aussi", parce que l’origami, c’est à la source un nom qui retrace un peu mon parcours en tant que musicienne. Et finalement, l’écho, l’écho sonore, cela fait penser aussi au travail de l’origami. Il y a une sorte d’écho, de répétition du geste. Je me dis:"Je veux quelque chose autour de l’écho, Eko avec un K, c’est le nom japonais."»

Sarah Saint-Pol est née dans le sud de la France. Elle a fait des études de musique classique à Aix-en-Provence puis en Belgique et aux Pays-Bas. Elle commence une carrière de flûtiste dans différents orchestres philharmoniques. Au cours de sa carrière, elle développe un problème à la mâchoire et elle est contrainte d’arrêter la musique. Elle se reconvertit grâce à une formation en management culturel, mais il lui manque une dimension manuelle ainsi que créative.

À ses heures perdues, elle réalise des origamis sur tissus, c’est comme cela qu’elle découvre le plissage. En 2018, elle commence par faire une collection de vêtements, et depuis, elle développe son activité autour du design. Quand elle commence une collection ou un objet, elle débute toujours par un prototype en papier. «J’aime beaucoup travailler le papier comme de l’origami. C’est la base du travail du plissé. Je fais plein de maquettes en papier. Si ce sont des vêtements, je vais les mouler autour de mon mannequin pour voir comment cela tombe. Et c’est à partir de ces maquettes que je vais construire les métiers à plisser afin de construire le vêtement autour de ce plissé-là sur le vêtement ou l’œuvre murale. »

Métiers à plisser

Afin de réaliser ses pièces,Sarah Saint-Pol utilise des métiers à plisser. «Je fabrique un métier à tisser. C’est comme un moule en papier qui ressemble à de l’origami. Je fais deux épaisseurs, ensuite je l’étuve pour qu’il prenne la forme et après je le remets totalement à plat pour pouvoir mettre le tissu à l’intérieur bien à plat, sans avoir de faux plis. Je le resserre et le mets dans une étuve. Si la fibre du tissu est synthétique, cela va légèrement fondre. Si c’est une matière naturelle, cela va casser la fibre et prendre la forme du moule. Au moment où le moule est sec, après tubage, la matière est normalement indéplissable.»

« Pour du synthétique, cela va rester marqué sur la matière. Pour le cuir aussi parce que c’est très rigide. Après, quand je travaille sur du lin ou du coton, pour des objets qui ne peuvent pas être touchés ou pas lavés, comme des luminaires, on peut faire des luminaires en lin parce que cela ne va par être lavé. Si c’est lavé, la forme se perd. C’est le cas des vêtements en coton ou en soie. C’est éphémère, en fait. Les métiers à plisser sont à chaque fois faits sur mesure. Je peux avoir de très grands métiers à tisser. En ce moment, je travaille avec une créatrice de luminaires et je lui prépare un métier à tisser qui fait 7mètres de long sur 1,50 de large. J’en ai parfois des petits. Pour faire un sac, j’ai besoin d’un tout petit métier à plisser.»

Se former toute seule

Le métier de plisseur n’existe presque plus, Sarah Saint-Pol a dû développer sa propre technique. «Il n’y a pas de formation et il n’y a pas de transmission. Moi-même, je n’ai pas pu me former parce que quand je me suis présentée aux ateliers de plissage, j’ai été un petit peu naïve et je leur ai dit:"Moi, je vais me former parce que je veux créer une marque de vêtements plissés." Et cela leur a fait peur et ils m’ont tous dit : "Non, nous formons des apprentis pour travailler chez nous, mais nous ne formons pas en dehors."J’ai dû me former toute seule, ce n’est pas forcément évident d’apprendre une technique toute seule. Il y a beaucoup de vidéos qui circulent en ligne. Petit à petit, à force de regarder, je finis par comprendre leur technique et après, j’ai développé la mienne. Ce qui est intéressant, c’est que j’ai développé ma propre technique. »

« C’est une technique qui existe depuis tellement longtemps, mais c’est protégé par le secret de fabrication, donc nous n’avons pas non plus trop le droit de tout dévoiler. Moi, j’ai vraiment à cœur de former de nouvelles générations de plisseurs, parce que pour l’instant, il n’y a pas de concurrence du tout et du coup, le savoir-faire n’évolue pas parce que quand il n'y a pas de concurrence... S’il y a de nouveaux plisseurs sur le marché du travail, cela va faire monter le niveau et de toute façon, il y a de la demande. Moi, je vois bien que depuis que j’ai ouvert mon bureau d’études, j’ai énormément de demandes, donc nous pourrions être dix de plus, 50 de plus, il y aurait toujours du travail pour nous. »

Jouer avec de nouvelles matières

Sarah Saint-Pol aime s’aventurer en dehors du tissu et appliquer les techniques du plissage sur de nouvelles matières comme le cuir ou encore la céramique et le bois. «Depuis que j’ai ouvert le bureau d’études, beaucoup de créateurs, de maroquinier par exemple, m’ont dit:"Oh la la! J'adorerais avoir du plissé de cuir, mais ce n’est pas possible." Beaucoup de plisseurs m’ont dit:"Nous ne pouvons pas plisser le cuir, c’est impossible." Je me suis dit "mais pourquoi?"J’ai testé, c'est possible. J’ai eu pas mal d’échecs avant de comprendre comment faire. Le cuir de vachette fonctionne très bien, le cuir de mouton aussi, mais il reste un peu trop mou. Il faut trouver la bonne matière, le bon traitement. En ce moment, j’attends du bois très, très fin que je vais essayer de plisser.»

« J’ai beaucoup de fabricants qui m’envoient leur matière. J’investigue régulièrement, je teste de la céramique ou du feutre. Il y a une grande partie de mon travail, c’est de la recherche sur de nouvelles matières que je me fais envoyer. Ou je vais voir des fabricants. Il faut juste trouver la technique pour chaque matière, nous pouvons tout plisser. Souvent à Noël, je fais des sablés plissés ou des chocolats plissés. Nous pouvons faire ce que nous voulons, il suffit juste de pouvoir faire une feuille fine et de la mettre dans un métier à plisser pour que cela fonctionne. En trouvant la bonne température, tout fonctionne. Je pense que pour chaque matériau, il y a une façon de faire. »

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Mounir Moda, une mode au masculin flamboyante et made in Sénégal

Mounir Moda, styliste sénégalais, créateur de la marque éponyme, est aussi le promoteur du festival de mode 2MDesign show à Dakar et du Salon international de la mode, le SIM. Mounir Moda a à cœur d’utiliser dans ses collections de vêtements pour homme le pagne tissé pour mettre en avant les savoir-faire de son pays et le Made in Sénégal. Il fait co-exister son héritage textile et le temps présent.

Une manière de donner à voir une mode durable et responsable. Mounir Moda a fait du tissu et de sa créativité une signature. Son événement qui a lieu du 4 au 12 mai à Dakar est là pour mettre en lumière le potentiel créatif et économique de la mode sénégalaise, africaine, mais aussi internationale. Nous l’avons rencontré lors d’une autre Fashion Week, celle de Lomé, où son défilé a été très remarqué.

Avant, je regardais les défilés des grands créateurs comme Jean-Paul Gaultier. Il y avait Adama Paris au Sénégal, Collé Sow Ardo, je me suis dit "Pourquoi je ne ferais pas comme eux?". C'est cela qui m'a poussé à aimer la mode et à promouvoir le Made in Sénégal.

Mounir Moda, styliste et promoteur du festival de mode 2M Design à Dakar et du Salon international de mode :«Mounir, c'est la lumière, en arabe, on dit Mounir, c'est la lumière brillante. Moda, cela veut dire la mode en italien.»

Mounir Moda sait très tôt ce qu’il aime: la mode. Sans perdre de temps, il quitte l’école en seconde pour se concentrer sur sa passion avec une formation chez un tailleur pour devenir styliste. Ancré dans son temps, Mounir Moda se fait connaitre grâce aux réseaux sociaux et il lance sa marque éponyme en 2015 bien avant d’ouvrir une boutique ou un atelier à Dakar.

«Nous sommes dans le monde digital, surtout au Sénégal. Nous sommes tout le temps sur Instagram, Facebook, TikTok, sur les réseaux sociaux. Il y a des stylistes qui ont du talent, mais leur problème, c'est qu'ils ne sont pas conseillés. Avant d'ouvrir une boutique, j’avais une page Facebook. Avant Instagram, j'avais une page Facebook. Je ne faisais que la chemise mélangée avec des pagnes tissés. J'ai commencé à avoir beaucoup de clients. Ma mère m'a conseillé d’ouvrir une boutique. C'était en 2018, mais la boutique n’est pas assez grande. J'ai ouvert une deuxième boutique, en 2020. En 2021, j'ai ouvert un grand showroom de 250 m2, il y a un appartement où il y a plus de quinze tailleurs et deux assistantes en même temps.»

Mounir Moda travaille le pagne tissé d’une manière facilement reconnaissable aussi bien dans le prêt-à-porter que dans le sur-mesure pour homme.«Je dessine. Je fais le design. Le pagne tissé, c'est mon identité. Je prends le pagne avec toutes les matières du textile, parfois du lin, parfois du super 100 (finesse de la laine). Par exemple, si je fais une collection, d'abord, je commence par réaliser trois pièces, si je fais les trois pièces, je vais appeler un mannequin pour faire l'essayage. Est-ce que cela va? Si cela va, je vais faire encore beaucoup de pièces. Pour le shooting, le pagne tissé est un tissu qui a beaucoup de valeur, donc du coup, il ne faut pas être trop chargé. Il faut le manier seulement avec discrétion.»

Ce styliste sénégalais est également le promoteur de 2MDesign Show, dont la prochaine édition, se déroule du 4 au 12 mai à Dakar. Il est aussi le promoteur du SIM, le Salon international de la mode, un concept lancé autour de 2MDesign show en 2019 et devenu aujourd’hui un évènement à part entière.«Lors de cette quatrième édition, nous avons sélectionné 35 designers. Une sélection avec deux défilés différents. Je ne peux dire qu'il n'y a pas de jeunes créateurs. Il y a des créateurs anciens et de nouveaux créateurs et cela leur donne l'opportunité d’avoir une visibilité optimale. Nous sélectionnons aussi pour le grand défilé. Mais le grand défilé, c'est la crème de la crème.»

«Sur notre événement, le 2MDesign show, la première édition, il n'y avait pas d'exposition, lors de la deuxième édition, il y avait une exposition, mais seulement pour les stylistes qui participaient à l'événement. Lors de la troisième édition comme nous avons eu beaucoup de demandes, l'exposition est devenue le salon de la mode afin de valoriser les talents. Le salon international de la mode, nous pouvons le faire à Dakar ou en France, pourquoi pas au Togo, partout. Parce que le salon international de la mode maintenant est indépendant de l'événement. Ce n’est pas la même chose, ce n'est pas le même concept.»

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